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Par Laureen Parslow,
Le cannabis, qui fait toujours débat en France, est de plus en plus plébiscité par les working girls à la recherche d’une forme d’antistress. Un « remède » qui n’est pas sans risques. Décryptage.
« Le pétard du soir, c’est mon moment d’évasion après le travail. Ça empêche de rêver, mais ça m’aide à m’endormir et à me relaxer. » Les années lycée sont loin pour Veronica, brillante avocate d’affaires de 43 ans et mère de deux enfants, mais elle en a gardé le goût de la fumette qui détend le corps et apaise l’esprit. Et elle n’est pas la seule dans ce cas. Si la France est depuis longtemps la championne européenne en matière de consommation de cannabis (quatre Français sur dix ont déjà essayé la substance psychotrope), la nouveauté, c’est que les femmes sont plus nombreuses sur la corde à linge.
« Entre 2010 et 2014, les usages ont eu tendance à beaucoup augmenter parmi les femmes de 18 à 40 ans, comme, d’ailleurs, chez les jeunes filles de 17 ans », confirme François Beck, le directeur de l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies). Fan de la série préférée des hipsters quadra, High Maintenance, qui raconte le quotidien d’un dealer livrant de l’herbe au domicile de clients new-yorkais huppés et sous pression, Veronica élude la question de son approvisionnement : « J’ai vécu dans différentes régions de France et n’ai jamais eu de mal à m’en procurer par mon entourage. En fait, c’est très banal. » Décomplexées, ces femmes workaholic qui vivent confortablement considèrent le cannabis comme une façon de relâcher la pression du « having it all ». Pas comme une addiction toxique.
UNE SELF-THÉRAPIE
Pour certaines, c’est une alternative au verre de vin « relaxant » du soir, voire au comprimé d’anxiolytique : « On trouve normal de boire un verre chez soi ou d’aller dans un bar avec ses amis après le travail. Le joint a pris un peu le relais, surtout dans les milieux favorisés. Jusque dans les années 90, la pratique entamée comme une fuite récréative adolescente régressait à l’heure de l’insertion professionnelle. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Le cannabis sert aussi à se calmer et à se soigner. Sa fonction thérapeutique est mieux connue », souligne la sociologue Anne Coppel.
Pour Fanny, 37 ans, maman dans les beaux quartiers de Nice et qui frôle parfois, selon son compagnon, la psychorigidité, l’herbe est un placebo et une bulle d’air : « Je la cultive moi-même parce que ça me coûte moins cher et ça m’évite d’aller en chercher dans des quartiers flippants. Et puis les joints m’empêchent de me remettre à la cigarette… C’est ma récompense à la fin de la journée, ou quand je stresse. En soirée, je les roule à l’avance, et ceux qui ne fument pas n’y voient que du feu car je les dose très peu. D’ailleurs je ne fume jamais les joints des autres, trop chargés. Après tu deviens mutique, repliée dans ton coin, c’est horrible. »
Si l’on se réfère aux différentes études étrangères et françaises parues sur l’usage du cannabis, il semblerait que les hommes soient deux fois plus nombreux que les femmes à avouer en consommer. Pour Sandra, 40 ans, chef de projet dans un label musical, il persiste un tabou de l’aplha-woman qui fume : « Dans mon entourage amical, fumer, c’est cool, bien vu, surtout en soirée, où les discussions peuvent êtres plus consistantes et existentielles. En revanche, pas question de rouler un pétard avec mes copines mamans ou d’en faire part à ma hiérarchie. Le cannabis reste diabolisé, on passe vite pour une fille instable, immature. »
LE PARADOXE DE LA DROGUE DOUCE
Outre-Atlantique, où sa dépénalisation croissante, en raison de ses vertus médicales, offre aux businessmen avertis un nouveau territoire pour engranger des dollars, cette nouvelle clientèle de « ladies stoners » est la poule aux œufs d’or de Cheryl Shuman, qui vend à travers son site, Beverly Hills Cannabis Club, de l’herbe de luxe livrée et emballée dans des feuilles d’or ainsi que des inhalateurs incrustés de diamants… Et dans le paysage mainstream, les pop stars adeptes de la transgression savamment dosée n’hésitent plus à mettre en scène leur amour pour la ganja. Miley Cyrus ou Lady Gaga ont déjà allumé un pétard sur scène et Rihanna publie régulièrement des selfies où se superposent faux ongles ornés de diamants et joint surdimensionné.
Mais aucune drogue n’est « sans risque », comme le rappelle Anne Coppel : « Même si la représentation du produit change et entre dans une nouvelle ère, avec son usage thérapeutique et les politiques américaines, le cannabis reste une drogue psychotrope aux effets nocifs dès que sa consommation est régulière. » C’est là que réside tout le paradoxe de la drogue douce, qui peut soigner autant qu’elle peut détruire. Sabrina, 47 ans, atteinte de sclérose en plaques, s’est mise à fumer après avoir obtenu le feu vert, en toute discrétion, de son médecin – l’usage à fin thérapeutique reste illégal en France : « Cela remplace les médicaments qui bousillent le foie et les antidépresseurs. »
Autre son de cloche pour Marie-Anne, médecin, qui, après des années de consommation régulière d’herbe, a connu un jour la mauvaise descente et des crises de panique qui l’ont forcée à prendre un congé maladie de six mois. Un very bad trip…