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En vue de la Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le problème mondial de la drogue, qui se tiendra à New York du 19 au 21 avril 2016, la Commission des questions sociales de l’APCE a approuvé ce matin la déclaration suivante :
« La Commission des questions sociale, de la santé et du développement durable de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe souligne que le problème mondial de la drogue constitue une menace majeure de santé publique, à la fois pour les consommateurs de drogues et pour l’ensemble de la société.
Elle relève qu’il est de plus en plus largement admis aujourd’hui que « la guerre contre la drogue » n’est pas parvenue à tenir sa promesse de faire diminuer le trafic et la consommation de drogues dans le monde. Elle note aussi que les efforts de lutte contre la drogue fondés sur cette approche et axés sur la répression sont responsables de violations des droits humains de grande ampleur, et notamment d’atteintes aux droits à la santé et de conséquences désastreuses en termes de santé publique.
Rappelant la Résolution 1576 (2007) de l’Assemblée « Pour une convention européenne sur la promotion des politiques de santé publique dans la lutte contre la drogue », la commission réaffirme que le problème de la drogue appelle des réponses relevant de la santé publique, comme les traitements de substitution, les programmes d’échange de seringues et les traitements psychosociaux. Ces mesures ont eu des conséquences très positives pour la réhabilitation durable des usagers de drogue et leur réinsertion sociale. Leurs effets ont été bénéfiques pour l’ensemble de la société et se sont manifestés par un recul de la délinquance, une réduction des coûts pour le système de santé et la justice, une diminution des risques de transmission du VIH et d’autres virus véhiculés par voie sanguine et, au final, une baisse de la consommation de drogues.
Au vu de ces éléments, la commission soutient fermement l’appel à un changement d’approche dans les politiques en matière de drogues et invite les Etats membres à adopter et promouvoir dans ce domaine des politiques axées sur la santé publique, fondées sur la prévention, le traitement et la réduction des risques. Elle invite aussi tous les participants à la Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le problème mondial de la drogue à défendre une nouvelle approche des politiques de lutte contre les drogues qui privilégie la santé publique plutôt que la justice pénale ».
Pour une Convention européenne sur la promotion des politiques de santé publique dans la lutte contre la drogue
Résolution 1576 (2007)
1. L’accoutumance est un problème biologique, psychologique et sociétal complexe. La recherche scientifique et l’expérience pratique ont permis d’en élargir la connaissance. De plus en plus, cette meilleure connaissance permet de mettre en œuvre une politique en matière de drogue axée sur la préservation de la santé publique, pour le toxicomane en tant qu’individu comme pour la société. Bien que nombre d’interrogations scientifiques concernant la dépendance restent toujours sans réponse, les aspects relatifs à la santé publique, à l’efficacité de la prévention et des traitements médicaux, et à une meilleure protection de la société contre les risques sanitaires sont aujourd’hui mieux connus.
2. Depuis la fin des années 1960, les considérations de santé publique ont pris une part de plus en plus importante dans l’élaboration par de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe de politiques pragmatiques et scientifiquement fondées de lutte contre la drogue. Ces considérations s’appuient sur le principe fondamental du droit à la santé, reconnu dans l’acquis du Conseil de l’Europe (articles 11 et 13 de la Charte sociale européenne révisée, STE no 163) ainsi que dans nombre d’autres traités des droits de l’homme internationaux et régionaux. Il confère à tout un chacun le droit de jouir du meilleur état de santé possible, que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit comme un état de bien-être physique, mental et social total.
3. Ces dernières décennies, un certain nombre de mesures de santé publique essentielles, notamment les traitements de substitution, les programmes d’échange de seringues et les traitements psychosociaux, ont été prises pour répondre à «l’usage problématique de drogue». Ces mesures ont eu des conséquences nettement positives en matière de réhabilitation durable et de réinsertion sociale des usagers de drogue. L’ensemble de la société a pu sentir leurs effets bénéfiques, qui se sont traduits par une diminution de la délinquance, une baisse des coûts pour le système de santé et la justice, une réduction des risques de transmission du VIH et autres virus véhiculés par voie sanguine, une augmentation de la productivité et, à terme, un usage de la drogue moins répandu.
4. Toutefois, ces réponses n’ont été que partiellement appliquées à travers l’Europe, malgré le grand nombre d’études et de données attestant leur efficacité et leur rentabilité. D’après certaines estimations citées par l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), par exemple, chaque dollar investi dans des programmes de traitement de la dépendance aux opiacés peut rapporter entre 4 et 7 dollars simplement par réduction de la criminalité liée à la drogue, des coûts de la justice pénale et du vol. Si l’on ajoute les économies réalisées au niveau des soins de santé, l’économie totale peut s’avérer 12 fois supérieure aux coûts engagés.
6. Les mesures prises dans l’Union européenne dans le cadre de la stratégie de l’Union européenne contre la drogue (2005-2012) visent à atteindre un haut niveau de protection de la santé en complétant l’action des Etats membres de l’Union en matière de prévention et de réduction de la toxicomanie, et de ses effets nocifs sur la santé et la société. En particulier, la stratégie place au premier rang de ses priorités l’amélioration de l’accès à diverses mesures de santé publique qui peuvent diminuer la morbidité et la mortalité liées à la toxicomanie. Il est toutefois clair qu’il conviendra de déployer des efforts particuliers en Europe de l’Est et en Asie centrale, où des obstacles politiques et «infrastructurels» ont empêché la mise en œuvre de ces mesures. La pandémie de plus en plus grave du VIH/sida dans ces régions rend cet impératif encore plus urgent: 80 % des cas de VIH dont la contamination peut être retracée en Europe de l’Est et en Asie centrale sont le résultat de l’injection de drogue par voie intraveineuse.
7. La zone d’influence géographique du Conseil de l’Europe en fait le forum idéal pour entreprendre une telle action et envoyer un signal clair aux Etats membres, en les dotant d’un cadre qui les aide à concevoir des réponses au problème de l’usage de drogue qui soient axées sur la santé publique – une approche encouragée par le Groupe Pompidou et la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FISCR). A cette fin, l’Assemblée parlementaire invite les Etats membres à coopérer pour élaborer une convention afin de promouvoir des politiques de santé publique dans la lutte contre la drogue. Cet instrument devrait compléter les instruments juridiques existants dans le domaine de la lutte contre la drogue, des droits de l’homme et de la santé publique. Il devrait rassembler les connaissances scientifiques et médicales dans un document-cadre qui pourrait constituer une base pour élaborer des stratégies nationales de lutte contre la drogue.
8. La convention du Conseil de l’Europe devrait reposer sur les trois objectifs suivants, qui sont interdépendants :
8.3. contribuer à identifier des bonnes pratiques en matière d’exercice du droit à la santé dans le cadre de l’usage problématique de drogue, et ce aux niveaux local, national et international.
9. Dans la poursuite de ces objectifs, la convention, qui doit s’inscrire dans le cadre existant des politiques nationales de lutte contre la drogue tout en le complétant, devrait intégrer les quatre éléments suivants :
9.4. le suivi et l’évaluation, dans le but d’identifier les meilleures pratiques.
10. Dans la mesure où beaucoup de conséquences négatives de l’usage de drogue se ressentent au niveau local, la convention devrait également s’efforcer de réaffirmer le principe de subsidiarité, en encourageant l’étude des différents moyens par lesquels un nombre plus important d’administrations publiques pourraient agir efficacement. Ainsi, le but recherché est que les mesures politiques destinées à répondre au problème de la drogue dans l’intérêt de la santé soient guidées tant par les observations scientifiques que par les conditions locales.
11. Afin de promouvoir la mise en œuvre effective de la convention, l’Assemblée invite les Etats membres :