Auto support en santé mentale en France

Bulletin Amades [En ligne], 75 | 2008, mis en ligne le 01 septembre 2009

Plan

  • Contexte politique d’émergence des GEM : un phénomène d’accélération de l’histoire ?
  • Naissance de la notion de démocratie sanitaire : des lois pour les « usagers »
  • Le GEM : réalités locales
  • Une entraide en construction
  • Financement
  • Les animateurs
  • Les relations entre liens sociaux et état de santé dans les GEM
  • Conclusion

Cet article a pour objectif de situer le contexte historique et politique d’émergence d’un nouveau type d’organisation associative dans le champ de la santé mentale en France : les groupes d’entre aide mutuelle (GEM). Il s’agit d’avoir une approche descriptive du phénomène en s’interrogeant particulièrement sur l’entraide. Deux analyses seront proposées, l’une portant sur la dimension relationnelle de l’entraide, l’autre portant sur les effets bénéfiques de l’entraide.

Les GEM sont apparus sous l’impulsion d’un mouvement général dans la santé où la place des soignés devient de plus en plus questionnée. Les personnes malades, après avoir été longtemps considérées comme des bénéficiaires de services, sont de plus en plus considérées comme des acteurs à part entière du système de soin. Cela s’est particulièrement vu avec le mouvement associatif autour du sida, qui a participé à la modification en profondeur des rapports soignants soignés. Dans le champ de la santé mentale, le mouvement des usagers en France reste timide et peu structuré. Il n’a, pour le moment, que peu de force politique, comparativement à d’autres pays tels le Canada, les Etats-Unis ou même l’Italie et les pays d’Europe du nord.

Il est alors d’autant plus notable qu’entre 2005 et 2006, plus de 249 groupes d’entraide mutuelle aient été créés sous l’impulsion de l’Etat en France (Instruction/3B n°2008-167). Il existe aujourd’hui au moins 15 000 adhérents à ces groupes.

Après avoir esquissé une contextualisation historique et politique, nous examinerons le point de vue de quelques usagers et soignants.

Contexte politique d’émergence des GEM : un phénomène d’accélération de l’histoire ?

Sans retracer l’histoire des transformations qu’a connu la psychiatrie française après la seconde guerre mondiale bien décrites ailleurs (Lovell, 2004), rappelons que la découverte des neuroleptiques, la mise en place de la politique de secteur et de la psychothérapie institutionnelle ont transformé la prise en charge des malades et les relations soignants-soignés. Ce mouvement de désinstitutionalisation s’est poursuivi avec la politique de secteur qui a cherché à encourager les pratiques de soin dans la cité. Elle a permis notamment la création des différentes structures de proximité que sont les Centres Médicaux Psychologiques (CMP), les hôpitaux de jour (HDJ), ou encore les centres d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP).

Cette politique ambitieuse est largement restée inachevée1. Aujourd’hui des logiques asilaires, basées sur la mise à l’écart des « anormaux », sont toujours présentes. L’exclusion des personnes catégorisées avec un diagnostic psychiatrique reste d’actualité. Un nombre croissant de personnes vivant avec une maladie mentale sévère vivent dans la rue, sans aucun soin. La concentration des personnes malades se fait aujourd’hui aussi dans les structures d’accueil pour les personnes en grande exclusion, les hôpitaux, les cliniques, les centres de post-cure et souvent les prisons. Cette concentration d’une sous-population pauvre et considérée comme non productive, se justifie par des arguments sécuritaires (Wacquant, 2004). Une surmortalité importante des personnes atteintes de schizophrénie est un élément objectif témoignant de ces inégalités de santé. La psychiatrie française est en cela assez représentative d’une politique plus générale produisant des inégalités sociales et de l’extrême pauvreté, ce malgré un enrichissement global de la nation. Les politiques se déclarent dès le milieu des années 1980 incapables de continuer à assurer un système d’assurances et de protection face aux nouvelles données économiques et sociales. L’Etat ne vise plus à promouvoir le progrès mais la cohésion sociale ; il n’est plus question d’organiser un système de protection annexé sur le travail mais de mettre en place un système d’aide et d’assistance pour les situations les plus précaires. Cette inadéquation entre les besoins des personnes malades et les services proposés a plusieurs explications dont la principale est, à notre, avis, celle de la non prise en compte des besoins tels qu’ils sont définis par les personnes malades elles-mêmes. L’émergence dans ce contexte de plusieurs centaines d’associations d’usagers en santé mentale en moins de 2 ans pose, entre autres, la question de leur capacité à apporter du changement.

Naissance de la notion de démocratie sanitaire : des lois pour les « usagers »

Partant de constats similaires dans d’autres champs de la santé, plusieurs lois récentes vont être axées sur la place accordée aux usagers et aux associations d’usagers. La première est la loi n° 2002-203 du 4 mars 2002, appelée la « loi Kouchner », et qui suit un rapport commandité par l’ancien Ministre de la santé à deux psychiatres connus pour leur engagement dans une politique de santé mentale dans la « cité » et centrée sur les droits des malades, ou pour emprunter leur terme, des « usagers » (Piel et Roelandt, 2001). L’objectif affiché était l’amélioration et la plus grande efficacité du système de santé par la valorisation à la fois des droits individuels et des droits collectifs des malades. La loi a tenté de favoriser l’accès aux associations de malades dans la plupart des espaces de décisions des institutions sanitaires (conseil d’administration, instances consultatives régionales ou nationales, etc.). Ces associations seront intégrées grâce à la mise en place des circulaires relatives aux droits des patients et du plan « psychiatrie et santé mentale : 2005-2008 » qui proposent des actions concrètes (mise en œuvre de campagnes grand public ; création de groupes d’entraide ; développement de services d’accompagnement, etc.) envers, entre autres, les malades, les familles et les associations. Cette nouvelle place symbolique accordée aux associations de malades fait partie d’une politique de « démocratie sanitaire » (Kouchner, 2002) dans laquelle le malade devrait, en théorie, avoir le droit d’exprimer son point de vue dans les espaces de décisions qui le concernent.

Cette loi, proposant une valorisation de la place et de la parole de l’usager à travers un système associatif actif, a été complétée en 2005 par la loi n°2005-102 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ». L’une des premières modification apportée par la loi est la reconnaissance légale du « handicap psychique » pour tous ceux qui subissent des déficiences, des incapacités ou des désavantages sociaux dus spécifiquement à des troubles psychiques. L’un des projets de la loi répondant directement à la compensation du handicap psychique est celui des « Groupes d’Entraide Mutuelle ». Ces derniers représentent une nouvelle forme associative dans laquelle des usagers de la psychiatrie doivent pouvoir participer à l’organisation de la structure. Les objectifs, selon le texte de loi, sont de faciliter le partage d’expérience de la maladie, l’accompagnement vers l’insertion dans « la vie en milieu ordinaire », et à favoriser l’autonomie des personnes souffrant de troubles psychiques. La démarche reconnaît les trois grandes associations d’usagers en psychiatrie – Union Nationale des Amis et Familles de Malades Psychiques (UNAFAM), Fédération d’Aide à la Santé Mentale Croix Marine (FASM Croix Marine) et Fédération Nationale des Associations d’usagers en Psychiatrie (Fnapsy) – car, non seulement elles sont à l’origine de l’idée des GEM, mais ces derniers sont fédérés par une ou plusieurs d’entre elles. En même temps, elles facilitent la mise en place du GEM aussi bien en tant que forme associative que comme dispositif. En 2006, on comptait 259 GEM financés par la DRASS, dont 142 créés la même année (circulaire n°DGAS/3B/2007/). En 2008, on compte 300 GEM.

Lorsqu’il s’agit de cerner les influences qui ont permis l’émergence des GEM, on s’aperçoit que ces derniers sont au croisement de plusieurs « savoir pratiques ». Il semble que, dans un premier temps, la psychothérapie institutionnelle et les clubs thérapeutiques ont eu un impact sur leur création. En effet, la Circulaire DGAS/3B no 2005-418 du 29 août 2005, consacre une annexe à l’explication des différences et des liens pouvant exister entre club thérapeutique et GEM. Que ce soit dans cette circulaire, ou au cours des premiers témoignages venus des GEM, il semblerait que si le GEM a des correspondances lointaines avec les « clubs thérapeutiques », la différence essentielle serait l’absence de son caractère thérapeutique. Cette « filiation rompue » entre GEM et psychothérapie s’illustre particulièrement avec l’usage récurrent du terme de « club » par les adhérents comme les responsables pour évoquer les GEM. En somme, il s’agit, la plupart du temps, de montrer l’innovation et de valoriser l’identité des GEM, en mettant en lumière la rupture avec ce qui existait auparavant. La deuxième influence régulièrement évoquée, particulièrement par les représentants de la Fnapsy, est la pratique anglo-saxonne et nord américaine des associations d’usagers de type « club house » dont les initiateurs des GEM se sont inspirés pour valoriser l’autogestion et l’entraide qu’ils proposent aujourd’hui. On pourrait aussi évoquer les différentes associations d’usagers de la psychiatrie qui existaient auparavant, et ont permis, bien avant les GEM, de réunir les usagers dans la « cité ». Les différentes influences qui ont permis de penser le GEM, font de ce dernier une « structure originale » dans le paysage psychiatrique français, ainsi que dans le paysage associatif.

Le GEM : réalités locales

Une entraide en construction

Face aux clubs thérapeutiques, aux clubs house ou encore aux associations d’usagers « classiques », les GEM se caractérise par la rapidité à laquelle ils ont été mis en fonction (300 GEM en moins de 3 ans). L’objectif était de généraliser une structure associative qui allait aider les adhérents à sortir de leur isolement et de se réinsérer dans la société. Durant ces trois premières années d’existence, au cours desquelles les GEM ont dû apprendre à s’organiser et à se développer, deux éléments semblent avoir permis, non sans difficulté, la réalisation de cette première étape sur tout le territoire national : leur financement et les animateurs2.

Financement

Au regard de la loi et des deux circulaires qui l’accompagnent, l’aide financière de l’Etat à pour objectif à la fois de trouver un local, d’employer des animateurs et de mettre en place des activités tout au long de l’année.

Du fait de la récente émergence des GEM, la subvention représente le cœur de l’organisation, à savoir la possibilité d’organiser diverses activités qui puissent réunir un maximum d’adhérents. Certains estiment que sans activités attractives, qui demandent certaines dépenses, les adhérents ne se présentent pas au GEM, préférant aller dans un GEM voisin. En somme, si la subvention est un moyen de mettre en place des activités attractives pour les adhérents, la présence des adhérents permet de faire exister les GEM, et ainsi de justifier l’usage de la subvention et son renouvellement. Bien que la subvention de l’Etat soit un élément essentiel au bon fonctionnement du GEM, et une forme à part entière d’aide à la compensation du handicap psychique, elle tend à être parfois supplantée par des aides échangées davantage entre adhérents. Ces derniers ont de plus en plus tendance à se voir à l’extérieur, à organiser des activités, à s’inviter les uns chez les autres. Des sous-groupes se constituent au sein du GEM, en fonction des affinités de chacun. Certains adhérents ont également pris l’initiative de quitter un GEM pour un autre, dont les adhérents leur semblent plus attrayants, ou d’utiliser plusieurs GEMs.

Les animateurs

Les financements de l’Etat ont permis de créer des postes d’animateurs qui viennent pour la plupart du monde de l’animation ou de l’éducation. Comme pour la subvention, les animateurs sont là pour soutenir les adhérents dans l’animation, l’organisation et la pérennisation du GEM. L’objectif à moyen terme, évoqué dans les textes de lois, est que les animateurs professionnels forment certains adhérents pour pouvoir les remplacer. Il déjà possible de rencontrer des adhérents devenus animateurs salariés du GEM. D’autres adhérents vont pouvoir animer bénévolement des ateliers en fonction de leur compétence qu’ils désirent partager. L’accompagnement proposé par la présence d’animateurs professionnels place souvent ces derniers au centre de l’organisation, devant à la fois gérer le fonctionnement du GEM et la bonne ambiance du groupe. Des observations de terrains ont montré que les adhérents se tournaient plus facilement vers les animateurs pour évoquer leurs besoins, leurs craintes ou leurs angoisses. Ces derniers sont souvent reconnus par le groupe pour leur capacité à animer et à avoir des responsabilités.

Dans certains GEM, cette situation s’est modifiée au cours de ces trois premières années. Si l’animateur reste un interlocuteur privilégié, des relations plus ou moins intimes entre adhérents ont tendance à se former. Le fait de prendre en charge des activités, de proposer d’aider un adhérent au cours d’un atelier, ou encore d’inviter des adhérents chez soi, développent des affinités qui permettent l’élaboration progressive de relation entre les adhérents.

Les relations ne s’élaborent pas uniquement dans le cadre d’échanges positifs entre adhérents. La présence de conflits au sein du GEM a permis également la constitution de sous-groupes au sein duquel la solidarité et les affinités ont pu s’intensifier. À un autre niveau, l’identification des adhérents à un groupe ou une fédération semble également avoir une certaine influence sur l’intensité des relations au sein du GEM. Par exemple, il a été possible de constater sur le terrain que la création de plusieurs GEM voisins a parfois créé des antagonismes entre des GEM au fonctionnement différent, ou des alliances avec des GEM similaires. Ceci a permis, semble-t-il, un renforcement identitaire de certains groupes.

Le choix de présenter les GEM à partir des effets induits par le financement et les animateurs, plutôt que sous l’angle des adhérents, permet de mettre en relief deux points qui caractérisent actuellement cette structure :

1) En se focalisant sur le mode de financement, il s’agissait de montrer l’impact de l’accompagnement financier dans le cadre de l’entraide, ainsi que le passage progressif d’un modèle d’aide à un modèle qui s’apparente davantage à de l’entraide.

2) L’analyse du statut d’animateur a également été l’occasion d’illustrer comment des relations basées principalement sur l’aide des animateurs envers les adhérents, se sont diversifiées en se réorientant davantage entre adhérents. On peut émettre l’hypothèse que ces transformations des relations au sein du GEM sont dues en partie à l’appropriation de la structure par les adhérents, et d’un déplacement de leurs intérêts vers une dimension plus large des GEM, renforçant l’identité du groupe.

Après avoir apporté des données sur le fonctionnement et l’organisation du groupe, il s’agit de réfléchir aux conséquences de l’entraide, et plus particulièrement aux effets bénéfiques de la participation au GEM, en s’interrogeant sur une potentielle dimension thérapeutique.

Les relations entre liens sociaux et état de santé dans les GEM

Il a été possible de constater empiriquement que certaines personnes, d’autant plus qu’elles s’impliquaient, voyaient dans le même temps une amélioration de leurs troubles mentaux. Une interrogation de soignant pourrait revenir à se demander si l’entraide – objectif central de la création des GEM – était une des raisons de cet « aller mieux » ? Si cet impact existait, il s’agissait aussi de savoir comment le GEM dans certains cas, permettait aux personnes qui l’utilisaient, d’aller mieux en s’intéressant au point de vue des acteurs.

Christophe a été informé de l’existence d’un lieu non médicalisé, une association de patients, qui recherchait un « informaticien », par son psychiatre. Il s’est décidé à y aller, malgré ses peurs, car il souhaitait pouvoir mettre ses compétences aux services des autres. Il affirme qu’il n’aurait pas fait le premier pas si son utilité pour l’association n’avait pas été mise en avant. Il souligne sa volonté d’aider plus que d’être aidé. Le cas de Christophe montre que l’entraide s’organise dans le GEM parce que c’est un lieu qui offre, pour certains, les conditions d’une possibilité de don et de contre don. En effet, les entretiens avec plusieurs personnes impliquées dans les GEM, montrent l’importance pour elles de se sentir utiles. D’ailleurs, Christophe décrit le GEM en ces termes : « une micro société ou je suis acteur et à l’aise… »

De plus, les personnes pour qui le GEM est un bénéfice, soulignent qu’elles perçoivent le GEM comme un lieu où elles sont en sécurité. Ce sentiment de sécurité renvoie aussi, chez certains, au sentiment d’appartenance à une communauté d’expérience. Celle-ci renvoie d’abord à la maladie, mais aussi à la vie associative et à l’entraide. Certains patients me diront qu’ils ne se sont fait aucun ami, qu’ils ont bu beaucoup de café, parlé avec une seule personne, et qu’ils sont repartis avec le sentiment de n’avoir rencontré personne. En revanche, pour Jeanne l’expérience du GEM a changé son monde social. Elle dit avoir perdu un certain nombre d’amies qui n’ont pas compris son engagement, mais elle a trouvé par contre au sein du GEM des personnes qui sont de la « même planète » qu’elle.

Pour d’autres, la situation est différente, comme pour Sébastien qui dit :« Ca m’a permis de me faire des amis, mais j’en avais avant et je les ai gardé pendant la maladie… mes amis je l’ai ai amené au GEM ». Christophe, lui, raconte une autre histoire :« Mes anciens amis m’ont lâché à cause de la maladie et parce que je ne pouvais plus subvenir à leurs besoins… je ne leur prêtais plus de shit, je ne leur payais plus un coup à boire. Ici je me suis fait de nouveaux amis. J’en ai gardé trois seulement d’anciens amis ».

Pour Christophe et Sébastien, le GEM a eu un effet assez similaire en ce qui concerne le rapport aux normes. Christophe dit :« j’accepte aujourd’hui une partie de la société… parce qu’avant j’étais anarchiste… maintenant j’ai un désir de normalité… ». Sébastien, lui, l’explique en ces termes : « Je n’avais pas de but, je broyais du noir seul chez moi. Le GEM me permet de redevenir comme tout le monde ». Si dans le cas de Christophe il semble que cela soit la redécouverte des bienfaits du vivre ensemble qui lui permette de valoriser à nouveau la société et une certaine eunomie, pour Sébastien il semble que cela soit d’abord l’aller mieux et donc le rétablissement qu’il revendique.

Enfin, un point souvent abordé par les personnes impliquées dans les associations d’usagers et la question du pouvoir et de sa répartition. Des conflits voient le jour, d’autant plus intenses que les personnes ont longtemps souffert d’avoir été invisibles et n’avoir pas de place dans le débat public. Si Les GEM ont émergé suite à une volonté politique d’introduire de la démocratie dans les soins, les jeunes associations d’usagers doivent se forger une culture de l’exercice du pouvoir. Celle-ci est loin d’être acquise, d’autant que les personnes catégorisées avec un diagnostic psychiatrique restent perçues aussi comme des personnes handicapées, le rétablissement restant en France une notion peut utilisée.

Conclusion

L’apparition des GEM dans le paysage de la psychiatrie en France s’inscrit dans une tradition de l’Etat nation où la démocratie s’organise depuis le haut vers le bas. Si l’auto support en santé mentale dans les pays anglo-saxons s’est développé grâce au mouvement d’usagers sans intervention majeur de l’Etat, en France c’est l’état qui favorise grandement sa généralisation sur tout le territoire national.

Après trois ans d’existence et la création de plus de 300 GEM en France, pour une majorité de soignants interrogés, le rôle des associations d’usagers dans le champ de la santé mentale reste méconnu. Les groupes d’auto-support restent peu développés en France, même en ce qui concerne les addictions, comparativement au pays anglo-saxons.

Les GEM, comme son nom l’indique, a pour principal objectif de créer les conditions de possibilité de l’entraide. Les personnes peuvent se rencontrer dans un milieu relativement tolérant, ou la stigmatisation semble à priori moins prononcée que dans le monde des « non malades ». Ces espaces permettent aux personnes adhérentes du projet de sortir de leur isolement et c’est un premier intérêt thérapeutique : celui de la socialisation. Cette socialisation se fait dans, mais rapidement en dehors, du GEM via l’usage d’Internet, du téléphone, et la mise en place de rendez-vous à l’extérieur du GEM. Les personnes utilisent le GEM pour réacquérir un capital social, qui leur servira dans les moments de crises et de rechutes. Il apparaît qu’il est un outil thérapeutique pour certains patients, même si ce n’est pas son objectif premier. Par leurs conseils et leurs soutiens, ils permettront parfois d’éviter les hospitalisations, ou au contraire de les favoriser si nécessaire, sans attendre.

De plus les GEM, quand ils fonctionnent, en créant une dynamique de groupe, permettent aux personnes de mettre en commun leurs savoirs et leurs compétences sur les questions de maladie et de traitement. Les adhérents peuvent discuter de la maladie, échanger et acquérir un meilleur insight, qui est un facteur nécessaire au rétablissement. Cette mutualisation des compétences, en dehors des soignants, facilite une prise de conscience des personnes de leurs compétences individuelles et collectives. Cette prise de conscience de la valeur du savoir tiré de leur propre expérience autorise les personnes malades à poser un regard plus distant sur le savoir biomédical, et de s’affranchir du rapport de dominé qui maintient la verticalité des relations soignants-soignés et alimente le paternalisme médical.

Si parfois les usagers ont des réactions de rejet du monde médical, c’est bien qu’il s’agit pour eux d’un mouvement de libération d’un pouvoir psychiatrique trop longtemps indiscuté et tout puissant. Le contre pouvoir qu’apporte les GEM est « sain » tant d’un point de vue thérapeutique que politique. Il est d’ailleurs probable que, de la même manière que les inégalités sociales sont cause de maladie, plus d’égalités sociales soient source de rétablissement.

Bibliographie

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Notes

1 Selon Piel et Roelandt (2001) moins de 10 % des services de psychiatrie ont effectué leur mutation et pratiquent aujourd’hui une politique de secteur tel que définie par la loi, 40 ans après sa mise en place.

2 Les Alcooliques Anonymes sont un contre exemple de structure associative d’entre aide de malades se développant dans le monde entier, sans financement et sans animateurs, et surtout sans cadre législatif spécifique.

 

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