Texte de María Luisa CESONI, Faculté de droit, Université Catholique de Louvain,
Publié dans EGUZKILORE Número 19. San Sebastián, Diciembre 2005, pp. 61 – 81
Résumé :
Les drogues semblent représenter un cas précoce de mondialisation. Le cadre juridique global a engendré des effets économiques et logistiques. Les droits des consommateurs de drogues sont limités dans deux domaines fondamentaux : juridique et socio-économique. Le fait de pénaliser l’usage solitaire et volontaire par une personne majeure porte atteinte à plusieurs libertés fondamentales. Les politiques de réduction des risques, qui apparaissent après la diffusion du SIDA, viennent changer en partie cette situation.
Du point de vue tant phénoménologique que politico-juridique, le domaine des stupéfiants semble représenter un cas précoce de mondialisation, entendue comme la caractéristique, propre à certains phénomènes, de se manifester au travers des frontières (et éventuellement, en tendance, à l’échelle mondiale1). En 1973 déjà, le titre de l’ouvrage « Les grandes manœuvres de l’opium2 », de Catherine Lamour et Michel Lamberti était traduit en italien par « Il sistema mondiale della droga3 »; on écrira, à la fin du siècle, de la drogue comme de « l’autre mondialisation4 ». Non seulement les substances actuellement dites stupéfiantes ont d’emblée circulé à travers les frontières et les continents (à la fin du XVIIIe siècle, l’opium était la principale monnaie d’échange de la Compagnie des Indes anglaises dans ses commerces de produits manufacturés avec la Chine5), mais, aussi, les conventions internationales en matière de stupéfiants ont constitué l’un des premiers corpus cohérents de droit international à caractère pénal, comprenant à la fois des incriminations, des normes procédurales et des principes généraux. Désormais, 143 pays sont parties à la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, et 154 à la Convention sur le trafic illicite de stupéfiants et substances psychotropes (dite convention de Vienne) de 1988. Ce cadre juridique global fondé sur le principe de la prohibition, qui limite l’utilisation de stupéfiants aux objectifs médicaux et scientifiques et incrimine tout autre type de destination des produits, a engendré, par ailleurs, des effets économiques et logistiques similaires dans l’ensemble des pays concernés : hausse des prix, gestion des trafics de manière organisée, circulation et réinvestissement de flux d’argent considérables. En revanche, malgré l’uniformité du cadre juridique, essentiellement axé sur la répression de la production et distribution des produits, les politiques pénales en matière de consommation, tout comme les politiques de santé et de prévention, restent, pour l’essentiel, nationales et diversifiées. Cependant, le cadre prohibitionniste a aussi produit des conséquences similaires à l’égard de la consommation, du moins celle des produits généralement appelés « drogues dures » : (aggravation de la) marginalisation des consommateurs, développement de formes de petite criminalité pour faire face aux prix élevés des produits, problèmes de santés découlant aussi bien du style de vie marginal que de produits frelatés ou de mauvaises pratiques d’usage. Dans une étude comparative européenne de 1993, qui survole vingt ans de politiques en matière d’usage de stupéfiants, on avait notamment constaté que la superposition de mesures pénales aux interventions médico-sociales, induite par le cadre juridique prohibitionniste, avait produit des effets préjudiciables aux consommateurs qui présentent des problèmes d’usage ou d’insertion: les budgets destinés à la répression dépassaient généralement les sommes destinées au financement des activités de prévention et de soins (constat que les études de Pierre Kopp ont plus tard confirmé6) ; la marginalisation progressive des consommateurs, provoquée ou aggravée par la répression, rendait plus difficile l’accès aux soins généraux ; nombreux étaient les usagers en prison, avec de multiples conséquences négatives, tant au plan de la réinsertion socio-professionnelle que de l’engagement dans une véritable carrière criminelle7. Une telle situation a enfermé une partie des consommateurs dans une catégorie – celles des dits « toxicomanes » – pour laquelle l’accès aux droits sociaux et économiques fondamentaux (et, selon certains, aux libertés fondamentales) n’est pas assurée. Nous examinerons la manière dans laquelle deux types de facteurs – le contexte législatif (§ 1) et le contexte des relations du travail (§ 2) – contribuent à provoquer une dégradation des droits des consommateurs de drogues. Mais d’abord : quels consommateurs ? En effet, une partie considérable des usagers de drogues illicites échappe substantiellement à notre analyse : étudiants consommateurs de cannabis, travailleurs usagers festifs d’ecstasy, cadres supérieurs dépendants de la cocaïne, usagers d’héroïne bien intégrés dans le monde du travail… Les connaissances relatives à ces populations sont encore limitées8, mais on peut supposer que le droit qu’on leur dénie le plus souvent (en rapport avec leur consommation) est celui de consommer librement. Notre analyse se concentrera ainsi, pour l’essentiel, sur les usagers dépendants des drogues dites dures ou faisant un usage dur de drogues dites douces, et qui se trouvent en situation de marginalisation déjà avant ou à cause de leur usage9. Il s’agit de ceux qui sont le plus concernés par les politiques législatives et pénales en particulier10, en raison tant de l’accumulation de problèmes divers que de leur plus grande visibilité.
Les droits des consommateurs de drogues sont limités dans deux domaines fondamentaux : juridique et socio-économique. Un tel constat n’est pas récent. Si l’on se réfère aux analyses des droits des consommateurs effectuées après qu’un phénomène appelé « toxicomanie » a été constaté, en Italie, par exemple (c’est- à-dire l’un des pays dont la loi est le moins répressive à l’égard des usagers), on se rend compte que, dans les années 1970-1980, on soulignait déjà la stigmatisation et la discrimination dont faisaient l’objet les usagers de drogues11, ainsi que les effets nocifs que la condition d’ancien ou actuel toxico-dépendant pouvait exercer au moment de la recherche d’un emploi, d’un logement, ou dans toute situation demandant l’établissement d’une situation de confiance. Les effets nocifs de l’emprisonnement étaient aussi mis en exergue12. Beaucoup plus récemment, en brossant un tableau saisissant, P. Jamoulle a montré la manière dans laquelle, dans un contexte de précarité préexistant, les jeunes recourent aux drogues et « sont ensuite confrontés à des logiques sociales défensives qui, dans un contexte de désinsertion scolaire et familiale, pénalisent particulièrement leurs comportements de consommation et de débrouille (placements, incarcérations…). Leurs confrontations, souvent traumatiques, au champ pénal et les apprentissages qu’ils font en institution ou en prison alimentent leur relégation familiale et sociale, ils créent les conditions de l’étiquetage toxicomaniaque. Beaucoup de jeunes perdent à ce stade la maîtrise de leurs consommations de produits psychoactifs, renforcent leurs engagements dans les systèmes de vie liés aux drogues et se distancient d’autant plus du champ institutionnel et des dispositifs d’insertion, de soins et de réhabilitation13. ». Le législateur italien de 1975 avait ainsi décidé de limiter autant que possible la répression des consommateurs ; l’usage en tant que tel n’a pas été incriminé, et la détention de quantités limitées de stupéfiants pour l’usage personnel n’était pas punissable. Dans les années 1980, des mesures alternatives à la détention ont été prévues pour les usagers condamnés pour d’autres infractions. Dans la même période, toutefois, des pays européens tels que la France (en 1970) ou la Suisse (en 1975) optaient pour une répression directe de l’usage, bien qu’assortie de la possibilité (cependant limitée) d’éviter les poursuites en suivant un traitement. Depuis lors, les politiques pénales concernant la consommation de stupéfiants restent tout aussi différentes.
Dans la seconde moitié du XXe siècle, la répression des usagers de stupéfiants a connu, en Europe occidentale tout au moins, des oscillations continues14. Dès 1988, la situation des consommateurs s’est partiellement aggravée, suite à l’adoption de la Convention de Vienne sur le trafic international de stupéfiants et substances psychotropes. Adoptée pour faire face à l’internationalisation croissante des trafics, source de gains importants pour les organisations criminelles transnationales, et « reconnaissant que l’élimination du trafic illicite relève de la responsabilité collective de tous les États » dans le cadre de la coopération internationale15, cette convention a prévu, dans son article 3.2, l’incrimination de la détention, de l’achat et de la culture de stupéfiants destinés à la consommation personnelle. La portée de la disposition a cependant été limitée par la référence au respect des principes constitutionnels et des concepts fondamentaux du système juridique de chaque État partie à la convention. Certains pays ont ainsi considéré qu’ils n’étaient pas obligés d’adopter ces incriminations16, arguant du fait que, par exemple, l’usage ne représentant pas une infraction pénale, il serait juridiquement incohérent de réprimer la détention finalisée à l’usage (c’est le cas de l’Italie). Sans imposer de sanctions pénales, ce pays a cependant introduit des sanctions administratives pour la détention non destinée à la vente17. L’Espagne est allée plus loin, en prévoyant des sanctions administratives aussi pour la simple consommation, mais seulement lorsqu’elle a lieu en public18. D’autres pays ont en revanche aggravé la criminalisation des consommateurs. La Suède, par exemple, a incriminé directement la consommation en 198819. Un mouvement de dépénalisation, voire de décriminalisation20, se manifeste cependant vers la fin des années 1990 : le Portugal décriminalise l’usage, l’achat et la détention de toute substance (loi du 29 novembre 2000), qui sont désormais frappés uniquement de sanctions administratives. Au Luxembourg, le poids de la répression de l’usage des substances interdites est atténué par une loi du 27 avril 2001 ; en particulier, la consommation et la détention de cannabis pour usage personnel seront frappés de seules sanctions pécuniaires et non plus de peines privatives de liberté. En Belgique, une loi de 2003 décriminalise l’usage en groupe21 et vise (de manière maladroite, comme nous le verrons) à dépénaliser la détention de cannabis pour usage personnel. Si l’on prend les désormais 25 pays de l’Union européenne, les législations actuellement en vigueur sont toujours disparates22. Le traitement légal de l’usage fait l’objet d’une palette de choix allant de la non prise en compte par la loi (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni23), à l’incrimination directe (Grèce, France, Finlande, Suède), en passant par l’application de sanctions administratives (Portugal), éventuellement seulement dans certains cas, comme en Espagne24. La détention de substances destinées à la consommation personnelle fait aussi l’objet d’options législatives diversifiées25. La plupart des pays incrimine ce comportement, qui fait cependant l’objet de simples sanctions administratives en Italie, Espagne, Portugal, Lettonie, Lituanie et République Tchèque26, et d’exemption de poursuites (lorsque la quantité est minime) ou de peines (si les faits sont peu relevants) en Allemagne, ainsi que d’exemption de poursuites aux Pays-Bas27, où des quantités limitées de dérivés du cannabis peuvent d’ailleurs être légalement vendues et achetées dans les coffee-shops. En Grande-Bretagne, la détention d’héroïne sur prescription d’un médecin habilité n’est pas non plus poursuivie. Notons, par ailleurs, que des pratiques parfois importantes de classement par le ministère public (éventuellement sous condition) des affaires concernant la consommation ou la détention pour usage personnel (voire d’autres infractions perpétrées par des usagers) peuvent être constatées. Elles découlent soit du recours aux traitements médico-sociaux (qui représentent une alternative aux poursuites ou à la peine dans la plupart des pays), soit de l’application de législations plus générales (en matière de sursis ou de transaction, par exemple) ou de principes généraux (notamment lorsque le système pénal repose sur le principe de l’opportunité des poursuites).
Face à la mobilité croissante des citoyens, une telle situation pose problème. En effet, comment savoir à l’avance ce qui va arriver à l’usager qui traverse une ou plusieurs frontières avec des stupéfiants destinés à sa propre consommation ? Une telle incertitude viole la substance du principe de légalité des incriminations, qui impose l’existence d’une loi connaissable préalable à tout constat d’infraction, rendant prévisible l’application de la loi28 (cfr. § 1.3), condition qui peut être difficilement respectée dans un contexte où les législations (ainsi que leur mise en œuvre) sont si diversifiées. Il s’agit ici, toutefois, de l’un des points d’achoppement de la construction européenne. La liberté de circulation devrait s’accompagner du maintien des droits acquis (par exemple, celui de ne pas être poursuivi pour un certain comportement). Par conséquent, un consommateur ayant acquis un produit stupéfiant dans un pays qui n’en incrimine ni l’usage ni la détention aux fins de la consommation personnelle devrait pouvoir ne pas être incriminé s’il se déplace ensuite avec ce produit dans un autre pays de l’Union européenne. Cependant, si les usagers du pays de destination (ou de transit) devaient être poursuivis pour le même comportement, une telle option violerait un autre droit : celui à l’égalité devant la loi. La question de l’égalité de traitement – devant la loi pénale notamment – pose plus généralement problème à l’aune européenne, en raison de la diversité des législations pénales. Certes, la solution la plus raisonnable serait d’harmoniser ces législations, ce que permet d’ailleurs d’imposer, depuis 1999, l’instrument de la décision-cadre. Cependant, cet instrument est prévu – et il a été utilisé ainsi, jusqu’à présent tout au moins – pour imposer l’adoption d’incriminations et l’aggravation des peines, et non pas l’alignement sur un choix de non-incrimination29. On peut, dès lors, craindre les résultats d’une harmonisation législative du traitement réservé à l’usage ou à la détention pour usage personnel, qui aggraverait la situation des consommateurs.
Le principe de légalité des incriminations et des peines30, principe fondamental du droit pénal dans les pays de droit continental – et désormais aussi reconnu dans les pays européens de common law, en raison notamment des effets de la Convention européenne des droits de l’homme –, vise, notamment, à garantir que les lois pénales – et en particulier les dispositions de droit matériel31– soit non seulement accessibles, mais aussi assez claires et précises pour que tout citoyen puisse prévoir les conséquences de ses actes, en sachant quels sont les comportements interdits et sanctionnés32. Or, en matière d’usage de drogues tout particulièrement, ce principe n’est pas toujours respecté non seulement dans le contexte européen, mais aussi à l’intérieur des pays membres, ce qui provoque d’ailleurs des inégalités de traitement des usagers face à la loi. D’une part, le discours politique contribue parfois à fourvoyer les destinataires de la loi, comme cela a été le cas en Suisse et en Belgique, où des annonces de dépénalisation ou de décriminalisation de l’usage de cannabis, émises par le pouvoir politique, ont été largement répercutées par les médias sans être suivies de révisions législatives appropriées33. D’autre part, les dispositions légales adoptées sont parfois confuses et, donc, incompréhensibles. On peut citer comme exemple la nouvelle loi belge du 3 mai 2003, dont une disposition centrale a été annulée par la Cour d’arbitrage34 pour violation du principe de légalité. Le législateur a introduit, dans la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, désinfectantes et antiseptiques un nouvel article 11 ainsi libellé : « en cas de constatation de détention, par un majeur, d’une quantité de cannabis à des fins d’usage personnel, qui n’est pas accompagnée de nuisances publiques ou d’usage problématique, il ne sera procédé qu’à un enregistre- ment policier. » La Cour d’arbitrage35 a considéré que, en dépit de la définition donnée par la loi36, les notions utilisées par cette disposition (usage problématique et nuisances publiques) « sont à ce point vagues et imprécises qu’il est impossible d’en déterminer la portée exacte » ; par conséquent, la disposition ne satisfait pas aux exigences du principe de légalité. En ce qui concerne la loi française, Bisiou et Caballero considèrent que le principe de légalité est violé par le recours à la technique du renvoi législatif externe (et multiple), qui rend difficile l’accès aux dispositions, et ensuite la compréhension de leur contenu et, par conséquent, la prévisibilité de leur conséquences. Ces auteurs notent, par ailleurs, que l’imprécision des textes, et notamment la possibilité de concours de qualifications entre usage et trafic, induit aussi une violation du principe d’égalité devant la loi, dès lors que, à situation identique, un consommateur pourra soit être sanctionné comme usager, soit comme trafiquant ; avec des différences considérables de peines d’ailleurs37, ce qui introduit une violation du principe de proportionnalité des peines et des infractions, dès lors qu’un usager peut être puni des peines prévues pour la trafic38.
Les usagers ayant une double image de délinquants et de malades, des alternatives thérapeutiques aux poursuites ou à la peine, soumises à l’acceptation de l’usager, sont prévues par la plupart des législations européennes39. Marie-Sophie Devresse a épinglé, pour la Belgique (mais cette remarque vaut plus en général), que ce type de gestion pénale « contractuelle » (mais asymétrique) de l’usage de drogues amène à demander à des personnes particulièrement vulnérables, ou en situation de grande précarité, de faire preuve d’autonomie et de responsabilité : d’arrêter de consommer, de rompre avec leur milieu, de trouver un travail… ce qui pose particulièrement problème lorsqu’aucun véritable dispositif n’est mis en place pour aider l’usager à formuler un projet et à le mettre en œuvre40 (soit, à notre connaissance, dans la plupart des cas). En même temps, on le soumet à l’épée de Damoclès de l’exercice des poursuites et/ou de la condamnation s’il échoue dans ses engagements. C’est ainsi la menace de la sanction, et non un véritable processus de responsabilisation, qui guide inévitablement le choix des usagers devenus cibles de la justice pénale41 : « la plupart du temps, les consommateurs ne voient pas comment il leur serait possible de refuser ou de se soustraire aux propositions qui leur sont faites, si ce n’est en assumant le risque d’une répression accrue42. ».
1.5 Soigner les plus sains et réprimer les plus malades…
Un paradoxe juridique La possibilité d’éviter les poursuites ou la peine en acceptant de suivre un traitement est souvent limitée pour les usagers, soit parce qu’elle est permise seulement pour certaines infractions (ou en dessous de certains seuils de peines), soit parce qu’elle est exclue en cas de récidives. Au-delà des textes législatifs, l’attitude des magistrats intervient aussi pour limiter ultérieurement l’accès à ces dispositifs. Ainsi, par exemple, la présence d’antécédents lourds peut empêcher l’accès à la thérapie43. Les alternatives semblent ainsi être plus facilement destinées aux consommateurs occasionnels ou dont l’état de dépendance est récent, alors que ceux qui sont plus fortement dépendants de leur substance – c’est-à-dire ceux qui ont le plus besoin d’aide – seront plus facilement effectivement sanctionnés. Le droit à la santé est ainsi plus gravement lésé pour ces usagers, au profit d’une répression à laquelle ne reste qu’une connotation punitive. Si certains croient dans l’effet dissuasif des peines à l’égard des délinquants primaires, il est certain que la peine ne produira aucun effet pour l’usager fortement dépendant, si ce n’est d’aggraver sa situation. Notons enfin – ce qui introduit un élément flagrant d’inégalité de traitement – qu’il ne semble pas exister « d’autre cas où le risque pris par un individu pour sa santé, sans aucun trouble à l’ordre public, soit passible d’une peine de prison44. ».
Si le cadre juridique répressif limite les droits des consommateurs, l’absence de répression ne les garantit pas non plus. Même dans les pays qui ne sanctionnent ni l’usage ni la détention aux fins de l’usage, nous ne trouvons jamais l’affirmation d’un véritable droit de consommer. En effet, non seulement des sanctions administratives sont prévues pour l’un et/ou l’autre comportement, mais, plus généralement, le recours au marché noir, avec tous les dangers que cela comporte (produits frelatés, mais aussi chantage de la part des dealers lorsque les acheteurs veulent arrêter…), reste un choix obligé, à de rares exceptions près45. Dans la plupart des pays, c’est-à-dire tous ceux qui incriminent tout au moins la détention pour usage personnel, le choix de consommer n’est pas libre: l’abstinence est le seul choix réellement permis et on attend des usagers qu’ils soient à même d’arrêter leur consommation46. Or, nous sommes confrontés, en amont, à la non-reconnaissance d’un droit subjectif, dont l’existence semble pourtant confirmée, a contrario, par les systèmes législatifs en vigueur : le droit de ne pas consommer. Expliquons-nous. Parmi les droits que certains considèrent bafoués par les politiques répressives se trouvent les libertés individuelles. « Le fait de pénaliser ce type de comportements [l’usage solitaire et volontaire par une personne majeure] porte atteinte à plusieurs libertés fondamentales : droit de faire ce qui ne nuit pas à autrui, droit de chacun sur son propre corps, droit au respect de la vie privée, inviolabilité du domicile, bref la liberté prise dans ses composantes les plus essentielles47. » En France, par exemple, le principe affirmé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, considérant que seules peuvent être défendues les actions nuisibles à la société (art. 5), est ainsi bafoué48. Certains ont alors affirmé qu’il faut reconnaître aux usagers le droit de s’autodéterminer librement, y compris dans leurs choix de consommation. Les auteurs ne prennent généralement en compte que l’aspect positif – le droit de consommer – et lient essentiellement la reconnaissance de ce droit à l’élimination des politiques répressives, puisque l’incrimination de la consommation ou de la détention en empêche la jouissance. Toutefois, pour que les individus bénéficient du respect des droits liés à leur liberté et à leur vie privée, il ne suffit pas d’éviter les interdictions légales. Il faut aussi agir en amont, afin d’assurer les conditions d’un libre choix, qui inclut aussi celui de ne pas consommer. Pour qu’il soit libre, un tel type de choix requiert le respect de deux conditions : a) que les individus ne se trouvent pas dans des situations qui les poussent fortement à consommer, et b) qu’ils disposent des informations suffisantes pour se déterminer en connaissance de cause.Ces conditions ne sont pas remplies indépendamment du cadre légal, répressif ou tolérant.a) Pour une partie des usagers – par exemple ceux qui consomment pour faire face à la misère dans laquelle ils vivent ou aux difficultés de leur vie professionnelle, garantir le libre choix de leur consommation, voire de leur dépendance, signifie d’abord garantir des conditions de vie – sociales et économiques – qui ne les obligent pas à consommer des drogues pour les affronter ou les fuir.Or, la jouissance des droits socio-économiques fondamentaux est bien loin d’être acquise pour tous, tandis que les nouvelles conditions du monde du travail favorisent le recours aux substances psychotropes, licites ou illicites (cf. § 3).b) À l’époque de l’information en temps réel, le droit à l’information est pourtant limité dans le domaine des produits stupéfiants, sauf dans de rares cas, comme aux Pays Bas. Dans des pays tels que la France, qui incriminent directement l’usage, l’information est entravée par le fait qu’elle peut être considérée comme une incitation à l’usage, comportement faisant aussi l’objet d’incrimination49. La diffusion de l’information est ainsi limitée par le cadre répressif. Notons cependant que même dans des pays plus tolérants, la consommation de drogues est considérée comme un comportement négatif ou comme une maladie. Dès lors, des réticences à l’égard de la diffusion des informations concernant ces produits subsistent : si on n’incrimine pas les usagers, on ne veut pas pour autant risquer de les inciter à consommer.
Les consommateurs de stupéfiants semblent, par ailleurs, courir un plus grand risque de poursuites que les auteurs d’autres infractions, et beaucoup plus important que celui encouru par les trafiquants.
1.7.1 La concentration de la répression
Les statistiques criminelles disponibles en 1999 tendaient à montrer que, dans les pays européens où la consommation est réprimée directement ou indirectement (via la détention), l’activité de la police relative aux stupéfiants se concentrait en majorité, voire pour l’essentiel, sur la poursuite des consommateurs50. En 2005 encore, on constate que « dans la plupart des États membres de l’UE, la majeure partie des infractions signalées à la législation antidrogue concerne toujours l’usage ou la possession de drogue pour usage personnel51 » ; cette proportion a augmenté entre 1998 et 2003 et le cannabis reste la principale substance concernée52. En France, par exemple, cette augmentation se concentre sur le cannabis : alors que l’évolution des interpellations relatives à d’autres substances a diminué entre 1995 et 2004, en passant de 15 787 à 9 57353, le nombre d’interpellations pour cannabis est passé de 40 000 environ en 1995 à un peu plus de 90000 en 200454. Notons, cependant, que les statistiques judiciaires européennes montrent un nombre plus limité de condamnations pour usage (du moins pour la période précédant 1999)55. Plusieurs recherches ont été menées dans les pays de l’Union européenne à la fin des années 1990. Elles faisant état, en 1998-1999, d’un taux d’incarcération des usagers de drogue allant de 19% à 56%56. Les incarcérations s’expliquent moins en raison de l’usage (bien que des condamnations à une peine de prison ferme sur la base de la seule infraction d’usage aient été répertoriées en France57, par exemple) que de la possibilité de qualifier la détention comme étant destinée à la revente et non à la consommation, ainsi que des autres infractions commises par certains consommateurs. En 2005, l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies constate une sur-représentation des consommateurs de drogues dans la population carcérale par rapport à la population générale58: on constate la prévalence de la consommation (de cannabis surtout) au cours de la vie chez plus de 50% de détenus dans la plupart des pays, et la prévalence au cours de la vie de l’usage par voie intraveineuse chez 15% à 50% des individus incarcérés ; la prévalence de l’usage régulier de drogue ou de la dépendance avant la détention varie entre 8 et 73%59. Au-delà des raisons de politique criminelle, de priorités policières, de facilité de repérage, qui peuvent expliquer la criminalisation particulière de certaines catégories d’usagers, des facteurs plus spécifiques existent. Non seulement les consommateurs, notamment ceux qui sont fortement dépendants et/ou marginalisés, se trouvent souvent dans des espaces publics (ne serait-ce pour acheter de la drogue), mais leur apparence trahit parfois leur condition (d’usagers et/ou de marginalisés). Par conséquent, ils sont plus visibles que d’autres catégories de consommateurs ou de dealers et trafiquants qui ne sont pas en même temps consommateurs. Par ailleurs, des recherches ont montré que les individus ayant des antécédents pour infractions à la loi sur les stupéfiants sont interpellés plus souvent que d’autres lors de contrôles policiers non liés à la constatation d’un délit60.
1.7.2 Une répression instrumentale
Or, la principale motivation qui a mené les rédacteurs de la convention de Vienne a préconiser la répression des consommateurs était la volonté de disposer d’une menace permettant d’obtenir de ces derniers des informations utiles pour remonter les filières du trafic61. Un tel procédé législatif viole cependant à la fois un droit fondamental – l’égalité de traitement – et un principe fondateur du droit pénal, prévoyant que la responsabilité pénale est personnelle. Ce principe interdit de poursuivre un comportement dans le but de rendre efficace la répression d’un tiers, pour des faits différents. De plus, ce principe étant respecté pour l’ensemble des autres incriminations, sa violation dans le domaine des stupéfiants introduit une inégalité de traitement entre les usagers de drogue et tous les autres infracteurs potentiels de la loi. Ce constat est d’autant plus navrant que les recherches réalisées à ce sujet mettent en cause l’utilité effective des informations provenant des usagers en tant qu’instruments de lutte contre le trafic62. On peut considérer que l’accroissement et l’internationalisation du trafic et l’impuissance à l’éradiquer ont favorisé cette violation des droits des consommateurs. Cependant, ces derniers font, plus généralement, l’objet d’un traitement légal particulièrement défavorable.
Tant par la mise à l’index des produits que par la structure de la répression, le cadre légal qui régit le domaine des stupéfiants provoque des inégalités flagrantes non seulement dans le cadre de la répression pénale, mais aussi parce qu’il met certaines catégories d’usagers dans une condition de vulnérabilité particulière.
À l’instar des résultats de recherches de terrain, les analyses préconisant des politiques de réduction des risques ont souligné à plusieurs reprises, à juste titre, que plusieurs des conséquences généralement attribuées à la prise des produits dérivent en fait des conditions et des modalités dans lesquelles l’usage a lieu. Baratta incitait ainsi à ne pas confondre les risques dérivant des substances (effets primaires) avec les risques dérivant des politiques (effets secondaires)63. En France, la Commission Henrion constatait que « la loi a pour effet de soumettre l’ensemble de la population des toxicomanes à une pression de la part des services de police et de gendarmerie, pression qui incite à la clandestinité et aggrave les périls engendrés par la toxicomanie64. ». Il y a dix ans, l’une des médecins les plus engagées dans des activités d’aide aux usagers de drogues écrivait : « J’accuse les gouvernements qui ont prohibé et prohibent encore l’usage de la méthadone et la distribution de seringues de non-assistance à personne en danger : à cause d’eux, le sida et l’hépatite contaminent des individus qui seraient prêts, si on leur donnait les moyens, à lutter avec nous contre la propagation de ces maladies. À cause d’eux encore, des consommateurs de drogues qui auraient pu être aidés sont livrés à la loi de la rue, à la misère, à la violence et à la mort65. » Depuis lors, la mise en place de politiques de réductions des risques a amélioré la situation d’une partie des usagers, mais n’a pas réussi, jusqu’à présent, à leur restituer des conditions de vie « normalisées », c’est-à-dire fondées sur le respect des différences66. Dès lors que des programmes tels que la prescription d’héroïne en Suisse ont montré des résultats satisfaisants en termes de socialisation et de santé des usagers, mais aussi de diminution de leurs activités délictueuses67, on peut en conclure qu’une partie de consommateurs de stupéfiants sont mis artificiellement, par la loi, dans une situation défavorisée, ce qui entraîne une rupture du principe d’égalité à l’égard des citoyens non consommateurs. Certains pays semblent d’ailleurs le reconnaître implicitement, dès lors qu’ils ont décidé de réduire l’emprise pénale sur les usagers, comme nous l’avons constaté, et de développer des politiques de réduction des risques.
On a souligné les effets négatifs directs de la répression sur les consommateurs, notamment de l’application de peines privatives de liberté. Si les effets de limitation (ultérieure) de l’accès aux droits socio-économiques et à la santé, découlant de l’emprisonnement, concerne l’ensemble des détenus, des effets spécifiques aux toxicomanes ont aussi été constatés: prolongation, voire échec, des processus de sortie de la dépendance engagés dans le cadre d’un traitement, risques d’overdoses à la sortie de prison en raison de la reprise de la consommation après un sevrage forcé68 et, pour les individus qui trouvent à consommer en prison69, risque d’engagement dans une carrière de dealer à la sortie afin de rembourser le fournisseur70. La Commission Henrion remarquait, en France, que la prison peut aggraver les problèmes d’insertion sociale, de relation avec les proches, d’insertion professionnelle, ainsi que les problèmes de santé71. Malgré ces constats, et en dépit des dispositions de diversion existants, les peines privatives de liberté continuent d’exister et d’être appliquées aux usagers de drogues, même en raison du seul fait de leur consommation.
Dans le rapport de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies de 199972, on constatait l’état dramatique des usagers qui se trouvent dans une grande précarité sanitaire et sociale : VIH et sida, hépatite C, pathologies diverses liées au mode de consommation clandestin, dépourvus d’une protection sociale adéquate, voire de toute protection sociale. Le tableau relatif aux maladies infectieuses contractées par les usagers de drogue (par voie intraveineuse notamment), établi en 2005 par l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, reste inquiétant73.
1.8.4 La réduction des risques : une amélioration des droits des consommateurs ?
Un changement de regard s’est produit à partir des années 1990, en raison de la diffusion du VIH et du sida. La découverte du fait que les usagers de stupéfiants par voie intraveineuse étaient particulièrement atteints a produit des modifications, parfois substantielles, des politiques concernant les consommateurs. Des pratiques, puis des politiques de réduction des risques ont commencé à être développées, pour faire l’objet plus tard, dans certains pays, de législations ad hoc74.Ces politiques tendent à reconnaître certains droits aux consommateurs visant, entre autres, à mieux protéger leur droit à la santé75. D’une part, on a affirmé le droit des usagers à être informés sur les effets des produits qu’ils consomment, y compris pour les produits interdits, afin de connaître les principaux risques sanitaires que ceux-ci provoquent, ainsi que la manière la moins risquée de les utiliser. D’autre part, la possibilité d’accéder légalement aux produits dits de substitution réduit non seulement les risques de consommation de substances frelatées, mais aussi le besoin de commettre des infractions pour acheter des produits illicites. Par ailleurs les politiques de réduction des risques ont entendu viser plus globalement une amélioration de la condition de l’usager sous différents aspects, par la mise en place de dispositifs à bas seuil par exemple. La conception des politiques de réduction des risques reste toutefois en contradiction avec le cadre législatif essentiellement répressif concernant les produits, sinon les usagers, qui en a d’abord retardé76 la mise en œuvre et ensuite limité la portée77. C’est ainsi, par exemple, que, en France comme en Suisse, les usagers ont été interpellés en raison du seul port de seringue, indice de consommation78, et que, toujours en France, des salles d’injection ont été fermées et des médecins pratiquant la réduction des risques perquisitionnés79.
Si l’on considère, plus généralement, les développements de la précarité80, liée à des phénomènes tels que l’abandon progressif de l’État social, les délocalisations productives, la perte de garanties, la modification des conditions de travail, on peut considérer, en général, que la dégradation du contexte socio-économique (tout comme celle des repères et des valeurs) favorise le recours à des exutoires tels que la consommation de drogues. Quant aux modifications des conditions de travail, si le recours aux produits psychotropes (qu’elles favorisent) peut entraver l’insertion socio-professionnelle des consommateurs (droit au travail, § 2.1), elles peuvent aussi constituer un facteur d’incitation à la consommation pour des d’individus qui ne se trouvent pas en situation de précarité (droit du travail, § 2.1). Une telle situation rend difficile l’accès ou le maintien de l’emploi pour les usagers – du moins ceux dont la consommation ou la dépendance des drogues est visible –, alors que l’emploi représente une condition essentielle pour favoriser la « sortie de la toxicomanie81 ».
Le « droit au travail » consiste dans le droit de disposer d’une activité rémunératrice permettant de subvenir à ses besoins fondamentaux. Or, dans un contexte général de chômage élevé, les conditions du travail actuelles risquent de limiter tout particulièrement l’accès à l’emploi des usagers de drogues82, dépendants ou pas. Les processus de sélection portent, en effet, de plus en plus sur l’aptitude à l’engagement personnel et à la productivité autonome, que l’usage de drogues est supposé limiter. Le champ relatif à l’intégration à l’emploi des usagers de drogues, moins connu en Europe, a fait l’objet de différentes recherches au Canada. Marie-France Maranda, qui a étudié les représentations sociales des responsables de l’embauche du personnel, constate que la « position défavorable à l’embauche de toxicomanes est prédominante dans les résultats83 ». Elle relève que la littérature pour managers les incite à dépister – pour les exclure – les employés qui pourraient présenter un problème pour l’entreprise (dont font partie les usagers de drogues et d’alcool). L’entretien d’embauche est central. Différents articles proposent un questionnaire comprenant des questions très directes et très intrusives dans la vie privée, et incitent à détecter des signes, indices, contradictions, ainsi qu’à recourir à sa propre intuition84. Dans une situation où même les cadres n’ont plus de garantie de la stabilité de leur emploi, c’est d’ailleurs, parfois, la peur de se mettre en danger soi-même qui peut amener à exclure des supposés toxicomanes85.
2.2 Droit du travail
Le droit du travail (au sens large) – c’est à dire les règles et les droits qui doivent être respectés dans le cadre d’une relation de travail – suppose l’établissement de bonnes conditions pour les travailleurs86. Ces conditions sont partout en train de devenir plus difficiles à affronter par ces derniers, sinon de se dégrader : « l’évolution des conditions de travail depuis quinze ans, qui prend surtout la forme d’un accroissement de la pression productiviste et d’une intensification des rythmes de travail, contribue à l’aggravation des contraintes physiques et psychiques87 ». Or, si le mot flexibilité cache la réalité de la précarité, droit au travail et droit du travail se relient : seuls auront accès à un emploi ceux qui se plieront à ses exigences88. Robert Castel écrivait que « mettre l’accent sur cette précarisation du travail permet de comprendre les processus qui alimentent la vulnérabilité sociale et produisent, en fin de parcours, le chômage et la désaffiliation89. » « Gestion en flux tendu, production à la commande, réponse immédiate aux aléas des marchés sont devenus les impératifs catégoriques du fonctionnement des entreprises compétitives. Pour les assumer, l’entreprise peut avoir recours à la sous-traitance (flexibilité externe) ou former son personnel à la souplesse et à la polyvalence afin de lui permettre de faire face à toute la gamme des situations nouvelles (flexibilité interne). » Dans le second cas, « c’est au prix de l’élimination de ceux qui ne sont pas capables de se hausser à la hauteur de ces nouvelles normes d’excellence90. ». Thomas Périlleux souligne que les nouvelles formes de conception de la gestion du travail salarial, parmi lesquelles la flexibilisation (soit : rien n’est jamais acquis), engendrent de nouvelles contraintes pour les travailleurs. En particulier, on assiste à de nouvelles formes de responsabilisation individuelle, qui engendrent une mise à l’épreuve constante, une difficulté à connaître les paramètres d’évaluation (non plus fondés sur la conformité aux standards, mais sur la performance individuelle), dont découle une inquiétude constante du travailleur91.Ces nouvelles conditions semblent engendrer, plus que les précédentes, une impulsion vers la consommation de drogues ; dans les effets de ces substances, on cherche une aide soit pour assurer sa performance, aller au bout de soi-même, affronter la mise à l’épreuve continue, soit pour gérer les souffrances individuelles qui dérivent des (risques d’)échecs et de disqualification dans les mises à l’épreuve92. On peut ainsi considérer que les conditions de travail entravent le droit des travailleurs à ne pas consommer de drogues, licites ou illicites. Par ailleurs, les usagers dépendants sont de plus en plus considérés (au Canada tout au moins) comme des personnes présentant une incapacité (handicap) dont l’intégration au travail reste à réaliser. Notons cependant l’émergence d’une économie morale, ou éthique de l’entreprise, qui se concrétise, dans le domaine étudié, par la mise en place de programmes d’aide destinés aux employés qui présentent des problèmes de dépendance93.
Références :
Autres textes publiés dans la revue :
II Symposium Internacional sobre « Reducción de riesgos : Globalización y drogas »
- Globalización económica y drogas
S. Brochu y C. Zambrana - Drogas y conflicto armado: El caso colombiano y el paradigma de seguridad global
R. Vargas - Local consequences of international drug control
M. Charles - Les politiques en matière de consommation de drogues illicites à lère de la mondialisation
Mª L. Cesoni - La relación entre globalización y reducción de daños
L. Cavalcanti - Globalización, anti-globalización y políticas de reducción de daños y riesgos
O. Romaní
Jornada de debate: « Salud, legislación y educación: Hacia la normalización del cannabis »
- La normalización del cannabis desde una perspectiva global. Percepciones sociales y políticas públicas
O. Romaní - Cannabis: Normalización y legislación
X. Arana - Uso terapéutico de los cannabinoides
M. Durán - Propuesta de modelo legal para el cannabis en el Estado español
M. Barriuso - Las personas usuarias de drogas especialmente vulnerables y los derechos humanos: personas usuarias con patología dual y mujeres usuarias de drogas
X. Arana, I. Germán