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PAR CLAIRE DEMONT, EMMA AUDETTE, POLITIS.FR
Cette année encore, de nombreux fumeurs de haschich ont répondu présents à « l’appel du 18 joint » organisé par le Collectif d’information et de recherche cannabique (Circ). Plusieurs centaines de personnes se sont réunies au parc de La Villette pour demander, en musique, la dépénalisation du cannabis. Politis.fr était de la partie.
Le soleil tape fort sur la pelouse. Dans la brise qui transporte une odeur de « beuh » fraîche, la « guerre totale à la drogue » déclarée par Nicolas Sarkozy alimente les conversations. Gaël, jeune organisateur, explique son engagement : « Je suis rentré au Circ il y a un an parce que la situation s’aggrave et ne promet que de s’empirer. On a atteint une étape supplémentaire dans la répression, cela devient un problème de société qui ne touche pas que les fumeurs. C’est un des facteurs principaux de l’engorgement des prisons. Aujourd’hui, de nombreuses personnes sont incarcérées pour avoir simplement consommé du cannabis. C’est une question de liberté ».
Les participants de l’appel du 18 joint 2007
Tous les participants sont d’accord : c’en est trop. Et ce n’est pas la première fois que les membres du Circ tirent la sonnette d’alarme quant aux chiffres en constante augmentation de la répression contre les consommateurs. Un de ses fondateurs, Jean-Pierre Galland, en a vu d’autres. Mais ces temps-ci, la répression a un goût amer : « Elle s’est accentuée dernièrement avec environ 146 000 interpellations en 2005, contre en moyenne 100 000 les années précédentes. Cela ne cesse d’empirer depuis 2002 et la nouvelle loi sur les peines planchers ne risque pas d’arranger les choses, puisque la récidive est une donnée fréquente chez les fumeurs de cannabis. Et bien sûr, ce ne sont pas les jeunes du XVIe ni les quadragénaires qui fument des pétards qui en font les frais, ce sont les jeunes des cités… ». Une stigmatisation et une surveillance accrues qui ne risquent pas de fléchir, y compris en ce bel après- midi. Surgis de la foule, tendus, les agents des Renseignements généraux s’affolent. Ils surveillent et photographient les participants, les interrogent parfois. Les journalistes présents sont, eux aussi, pressés de questions. Pourtant, les fumeurs continuent implacablement à rouler leurs joints, sans vergogne. « Faut bien en profiter ! Ce n’est pas tous les jours aussi simple… » avoue Angélique, qui participe pour la première fois à ce rassemblement.
Si l’on en est arrivé là c’est, selon Julien, à cause d’une « machination diabolisatrice ». Mesurant ses propos, son copain Patrick précise : « On ne sait plus de quoi on parle. Le discours actuel sur le cannabis tient plus d’un discours moraliste, idéologique et électoral, qu’à un argumentaire objectif et scientifique. C’est une véritable croisade qui a été engagée contre le cannabis et ses consommateurs ». Cette « croisade » se traduit, depuis quelques années, par une campagne de dénonciation déguisée en prévention. Elle a débuté avec la publication d’un rapport rédigé par des sénateurs en 2003 et intitulé « Drogue : l’autre cancer ». Toutes les drogues et tous les modes de consommation y sont désignés, à égalité, comme des ennemis publics. Aucune place pour la mesure, ni pour le libre choix. Le cannabis, en particulier, serait à l’origine de tous les maux de la jeunesse. Jean-Pierre Galland connaît bien cette thématique : « On nous présente le cannabis comme le ’’fossoyeur de la jeunesse’’ et comme un produit qui pose de graves problèmes de santé publique. Nous savons, grâce à des rapports étrangers, que c’est largement exagéré et que le cannabis est, de toutes les drogues, la moins dangereuse. Je ne dis pas que tous les problèmes posés sont faux, je dis qu’ils ont été abordés de manière caricaturale. On dit par exemple que le cannabis rend schizophrène. C’est une campagne de diabolisation qui fait ricaner les ados mais flipper les parents. Certains vont même jusqu’à envoyer leurs enfants dans un des 250 centres spécialisés. Et là oui, il y a des chances qu’ils deviennent schizophrènes… ».
La sociologue Anne Coppel et Jean-Pierre Galland, président du Circ.
En réaction à cette stigmatisation, les membres du Circ mènent une campagne permanente de prévention et d’information. Les nombreux tracts et ouvrages disposés sur le stand principal du raout du « 18 joint » en constituent la matière première. Le Circ s’appuie notamment sur une brochure titrée « Cannabis, savoir plus, risquer moins », publiée en 2001 par la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (Mildt). Face aux abus et à la qualité de plus en plus douteuse des produits disponibles, les membres du Circ plaident pour la mesure et l’autoproduction. Un engagement difficile et risqué, qui a coûté plusieurs condamnations pour « provocation au délit » aux responsables du Circ, conformément à l’article L. 3421-4 du Code de santé publique. Est-ce bien nécessaire ?