- Auteur.e.s :
- Anne Coppel
- journal AOC
En 1990 à Paris, en pleine épidémie de sida, des prostitué·e·s se mobilisent et interpellent les pouvoirs publics à travers la rédaction de cahiers qui, pour la première fois, revendiquent des droits pour les travailleur·se·s du sexe. C’est le point de départ d’une recherche-action dont les enseignements sont toujours d’actualité. À la difficulté d’affirmer des droits égaux se superpose un cadre législatif répressif qui continue de mettre en danger les prostitué·e·s en refusant de les entendre.
« On a des droits, il y a des lois pour ça ». C’est la première phrase de la lettre de Lydia, et c’est aussi par cette revendication des droits que Fathia commence sa lettre : « Nous sommes des prostituées, mais des femmes aussi et nous voulons les même droits que les autres femmes ». Ces lettres, adressées au ministre de la Santé, ont été recueillies dans six cahiers qui ont circulé rue St Denis entre les mois de janvier et de mai 1990, et la revendication des droits se propage d’une lettre à l’autre.
Entre elles, dans la rue, les prostituées pouvaient protester qu’elles étaient bien « des femmes comme les autres » comme nombre d’entre elles l’ont écrit, mais jusqu’en 1990, elles n’avaient jamais été en mesure de formuler publiquement leurs revendications et surtout de les penser en termes de droit.
Aujourd’hui, la revendication des droits des victimes de discrimination et d’ostracisme est devenue habituelle. Ainsi, le STRASS, le syndicat du travail sexuel créé en 2009, vient de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme pour faire reconnaître leurs droits fondamentaux. Le syndicat met en cause la dernière loi votée en 2016 qui officiellement sanctionne les clients, mais qui, dans la pratique, « fragilise les travailleur·se·s du sexe et les exposent à des violences et des risques élevés pour leur santé ».
Mais même si les travailleur·se·s du sexe sont toujours confronté·e·s à un cadre légal qui les contraint à la clandestinité, même si les un·e·s et les autres peinent à se faire entendre dans le débat public, la revendication de leurs droits a acquis une légitimité qui n’était pas imaginable à l’époque. Il est difficile de prendre la mesure de la bascule qu’a représenté en 1990 pour les prostituées cette première prise de parole à la fois individuelle (chacune donnant son avis sur ses besoins et sur les actions à entreprendre) et collective (les cahiers circulant rue St Denis dans le cadre d’une recherche-action).
« Une prostituée est une femme qui se tait », avait écrit Gail Pheterson,
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