Appel pour la création de l’association française de réduction des risques liés à l’usage des drogues : AFRR

 

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Revue SWAPS, n°8, juin-juillet-août 1998

 

Pour la troisième année consécutive, en France, le nombre des overdoses mortelles a baissé de façon très significative. 228 décès en 1997 contre 393 en 1996 (- 41,98%) et 465 en 1995. A Paris les chiffres sont encore plus parlants: 38 surdoses mortelles en 1997 contre 62 en 1996, 95 en 1995 et 149 en 1994. L’état de santé et l’accès aux soins pour les les usagers de drogues s’améliore. Les interpellations pour usage d’héroïne ont chuté de 20% ce qui entraîne une réduction de la délinquance liée à l’usage de cette drogue.

La réduction des risques aurait-elle atteint ses objectifs ?

Nous sommes bien loin du compte. La politique menée est restée une politique quasi clandestine et les résultats déjà obtenus sont ignorés ou négligés, ce dont témoigne la récente campagne de presse sur le Subutex®. On peut -et il faut- dénoncer les insuffisances de l’offre de soin, mais non remettre en cause la nette amélioration de la situation des usagers de drogues.

La paralysie dans laquelle se trouve de nombreux projets est illustrée par la situation de la Boutique de la rue Beaurepaire à Paris. L’accès aux soins reste réservé à une minorité motivée alors que la prise en charge des plus exclus est la condition d’une véritable sécurité pour tous. Mais l’information n’a pas été faite, ni auprès de la population ni auprès de ses représentants.

La réduction des risques vise à limiter les conséquences néfastes liées à l’usage de drogues, non seulement pour les usagers de drogues mais aussi pour la société toute entière. Il faut agir contre l’exclusion dont sont victimes les usagers de drogue. Mais il faut aussi donner des réponses à ceux qui vivent dans les quartiers et subissent avec une exaspération croissante les nuisances liées au regroupement d’usagers marginalisés.

En France, la première réponse à l’usage de drogues reste la réponse répressive, comme en témoigne la progression continue du nombre d’usagers de drogues interpellés (+ 22% en 1997). Cette réponse est inadaptée elle ne peut ni enrayer la toxicomanie ni garantir la sécurité publique. Les services de police ont d’autres urgences dont le principal est de garantir la sécurité de chacun. Face à l’usage de drogues, il est urgent de développer de véritables réponses de prévention comme il est urgent de prendre en charge les usagers de drogue qui le nécessitent.

Nous ne parviendrons pas à réformer les pratiques sanitaires, sociales, judiciaires et policières sans convaincre l’opinion publique et les décideurs politiques qu’il existe un autre chemin. Nous devons faire valoir les premiers résultats obtenus, de la baisse de la mortalité à la baisse de la petite délinquance. Pour atteindre cet objectif, le mouvement de réduction des risques a aujourd’hui besoin d’une organisation Elle doit regrouper l’ensemble de celles et de ceux qui s’engagent dans la recherche d’une stratégie plus efficace et plus humaine au bénéfice de tous.

Nous appelons les intervenants sanitaires et sociaux, les enseignants, les magistrats, les policiers, les élus, les habitants les usagers de drogues et leurs proches, toutes celles et tous ceux qui se reconnaissent dans cette idée à fonder l’Association Française de Réduction des Risques lies à l’usage des drogues (AFRR).

VOIR AUSSI DANS LE MÊME NUMÉRO :

Éditorial, SWAPS, nº8, par Gilles Pialoux /

« Cela est désormais une réalité tangible: en France, il a fallu attendre l’émergence du VIH, disséminant chez les usagers de drogues dès le milieu des années 80, pour voir leur prise en charge se médicaliser, notamment du fait de la politique dite de « réduction des risques » (voir l’appel lancé par Anne Coppel pour la création de l’Association française de réduction des risques ). Jusque-là le champ de cette médicalisation se réduisait à un seul et même mot-clé: le sevrage, passage obligé quand ce n’était pas contraint pour tout toxicomane. Le 23 et 24 avril derniers, le « sevrage » et son histoire se sont retrouvés au centre d’une conférence dite de consensus, placée sous le contrôle de l’Association Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES). Swaps se devait d’y consacrer un dossier, non consensuel il est vrai, tant il apparaît que pour exiger consensus il faut avant tout qu’il y ait contradiction; une contradiction qui prendrait, pour certains, le masque de l’affrontement idéologique entre substitution et sevrage. Là où la plupart des spécialistes (voir l’article de Pierre Polomeni p.g) ne voient dans sevrage et substitution que des éléments complémentaires et constitutifs d’une prise en charge globale de l’usager de drogues. »

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