- Auteur.e.s :
- Anne Coppel
Peu d’usagers de drogues ont adopté le préservatif ; leur comportement est comparable à celui des groupes sociaux auxquels ils appartiennent au-delà de l’univers des drogues, qu’ils soient jeunes des cités, qu’ils appartiennent aux classes moyennes ou à la jeunesse dorée. Expérimentation des relations affectives et sexuelles et expérimentation de l’usage de drogues ou d’alcool vont souvent de pair aujourd’hui. L’usage de drogues participe de la culture dance ou techno, pour les filles comme pour les garçons. Des actions de prévention ont été menées dans ces mouvements. Dans les cités, le préservatif est spontanément réservé aux relations non investies affectivement. Prévention et éducation sexuelle sont des urgences.
Comprendre ce qui détermine la hiérarchie des risques permet d’expliquer pourquoi les injecteurs ont pu adopter des comportements de précaution concernant la seringue et pas pour le préservatif. Première question : y a-t-il une spécificité dans le comportement sexuel des usagers de drogues ?
Au regard des études quantitatives, la réponse est «non». Les usagers injecteurs étudiés en prison ou dans les programmes d’échange de seringues ne se différencient de la population générale ni par la fréquence des relations sexuelles, ni par le nombre de partenaires, ni par le type de relations, qui est souvent le couple stable. Leur utilisation du préservatif est comparable à la population générale, c’est-à-dire qu’ils l’utilisent peu, à l’exception de ceux qui ont été contaminés par le virus du sida, qui l’utilisent davantage (jusqu’à 68 % dans une étude menée à New York mais c’est un maximum (1).
Ces études quantitatives vont à l’encontre de deux ensembles de croyances symétriques : celles qui font du toxicomane un être asexué, incapable de relations sexuelles, et celles qui en font une bête de sexe. Ils ne seraient ni l’un ni l’autre selon les statistiques. L’un ou l’autre de ces comportements peut cependant s’observer. En moyenne, les injecteurs ont une vie sexuelle comparable à la moyenne ; il reste que si l’abstinence ou au contraire le surinvestissement de la vie sexuelle peuvent échapper aux études statistiques, ils n’en sont pas moins attestés dans des contextes ou des types d’usage bien précis, décrits dans une longue série de recherches qualitatives. Les histoires de vie d’héroïnomanes ou de cocaïnomanes témoignent du désinvestissement des relations sexuelles lorsque l’abus est régulier, même si ce désinvestissement n’est pas systématique ou s’il est vécu seulement par périodes. Quelques recherches, commencées à la fin des années soixante en Californie, décrivent a contrario l’association étroite d’une culture des drogues avec une culture du sexe. Le pouvoir aphrodisiaque des drogues n’est pas une découverte moderne.