Histoire de la diffusion de l’héroïne en France. Une histoire du présent, des années soixante-dix aux années 2000.

album-rock-n-roll-animalRésumé : Comment depuis la fin des années 60, la consommation de l’héroïne est passée de quelques cercles restreints à des milieux sociaux très divers ? Comment les réseaux de distribution et de commercialisation se sont-ils réorganisés au cours de la période ? Quel a été impact sur les politiques publiques ? Telles sont les questions que nous nous proposons de traiter, en privilégiant deux agglomérations, Paris et Marseille. L’équipe de recherche comprend des chercheurs et des militants associatifs dans la réduction des risques liés à l’usage et la lutte contre le sida.

Recherche CNRS – ANR, 2012-2014

Lire à ce propos l’enquête de Sylvia Zappi (Le Monde) :
Et aussi :
Alexandre Marchant, sur www.vih.org,

PRÉSENTATION

Ce projet de recherche porte sur l’histoire de la circulation de l’héroïne, en France, de la fin des années 1960 jusqu’au début des années 2000. Comment, au cours de cette période, l’héroïne est passée d’une consommation limitée à quelques cercles restreints à une consommation élargie à divers milieux et mondes sociaux ? Comment les réseaux de distribution et de commercialisation se sont réorganisés ? Quelles conséquences les politiques publiques (pénales, sanitaires, sociales) ont-elles eu sur ces phénomènes ? Bref, comment cette « épidémie française » a-t-elle été possible ?

Ces questions de recherche s’inscrivent dans un contexte bien particulier. Les effets conjugués de la circulation de l’héroïne et de la propagation du sida ont constitué une véritable catastrophe sanitaire et sociale. Pourtant cette histoire est restée peu connue et étudiée. D’un côté, elle a été recouverte par le déni des risques sanitaires et sociaux impliqués par la diffusion des consommations au sein de milieux vulnérables ; de l’autre, les sciences sociales ont manifesté peu d’intérêt pour cette histoire immédiate, sans épaisseur ni mémoire.

La posture théorique et méthodologique de ce projet est de restituer l’historicité de la diffusion de l’héroïne. Il s’agit de mettre à jour les continuités et les discontinuités qui organisent l’histoire des modes de consommation, de distribution et de revente du produit, d’interroger les proximités qui les ont rendues possibles, le franchissement de frontières culturelles et sociales entre des mondes apparemment hétérogènes, d’analyser le rôle structurant des marchés et des organisation économiques qui eu des rôles d’entrepreneurs dans la diffusion. Si aujourd’hui l’usage et le trafic d’héroïne semblent appartenir à une époque révolue au regard de leur déclin à partir du milieu des années 1990, rien ne permet d’affirmer que, dans ses mécanismes économiques et sociaux, cette histoire ne puisse s’appliquer à d’autres produits et d’autres mondes d’usages.

Notre hypothèse est que les logiques de consommation sont à la fois socialement diversifiés et processuelles, qu’elles évoluent constamment sous l’influence de trois mondes d’acteurs qui interagissent dans le cycle historique des produits : celui des consommateurs et des « mondes de consommation », dont les régimes de proximité/distance déterminent la circulation sociale des produits ; celui des entrepreneurs, impliqués à divers titres dans le calibrage économique des produits ; enfin, celui des politiques et des acteurs institutionnels, qui, à différents niveaux, de la répression des trafics à la prophylaxie des usages addictifs, contribuent eux aussi au cycle des produits. En privilégiant une analyse longitudinale, nous serons amenés à combiner trois échelles territoriales : transnationale, en interrogeant la diffusion des significations culturelles, des réseaux et des circuits productifs ; nationale, en s’intéressant aux représentations, aux « affaires » et aux politiques ; locale, en explorant les mondes d’usages dans les métropoles. A cette échelle, nous focaliserons notre attention sur deux sites urbains privilégiés, Paris et Marseille, envisagés comme significatifs (consommations, laboratoires, production/calibrage) et carrefours (réseaux criminels).

Pour ce faire, il s’agira de rassembler des matériaux d’archives, des témoignages, des entretiens biographiques, des histoires de familles sur les modes de circulation, de commercialisation, de consommation et de valorisation de l’héroïne. Dans ce sens, nous mobiliserons les sources disponibles : rapports officiels, dossiers judiciaires, articles de presses, films, romans, etc., et interrogerons les témoins directs et indirects issus de plusieurs générations. Enfin, nous procéderons à une analyse statistique du traitement judiciaire des infractions à l’échelle nationale et locale sur laquelle on appuiera une analyse des politiques publiques.

Partenaires :

ASUD – Autosupport et réduction des risques parmi les usagers des drogues
CADIS – Centre d’analyse et d’intervention sociologiques
CRESPPA – Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris

Projet HERO
Référence projet : ANR-12-BSH1-0006
Coordinateur du projet :
KOKOREFF Michel (Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris)
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