Interview AFR / Anne Coppel : lancement du site internet

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En juillet 2009, à l’occasion du lancement de son site internet annecoppel.fr, l‘AFR a posé 3 questions à la fondatrice de l’AFR, Anne Coppel.

Interview

Pourquoi avoir décidé de faire un site web ?

Je ne sais pas si c’est Olivier Poulain ou moi qui avons eu l’idée de ce site. En tout cas, il s’est proposé pour réunir des textes qui avaient été publiés à droite et à gauche, presque toujours difficilement accessibles. Il ne se doutait pas de ce qui l’attendait. Au début (il y a plus d’un an !) je lui avais donné quelques textes que j’estimais être les plus importants, et puis il en trouvait d’autres sur Internet, et là je me disais « mais c’est absurde de mettre ce texte sur – par exemple- « les femmes et les drogues », celui-ci est un texte écrit dans telles circonstances, il passe sous silence telle ou telle question, le sida, ou bien l’histoire, des morphinées et des garçonnes… », bref de fil en aiguille, on a tout mis en l’organisant – soit près de 30 ans de travail !

C’est un témoin de notre histoire, comment ont évolué à la fois ce qui se passait sur le terrain, les usages de drogues, la façon dont le phénomène est perçu et les réponses, répression et soin, et bien sûr réduction des risques. Pour moi c’était d’abord une façon de boucler mon histoire, de partir à la retraite. En forme de testament. En même temps, ce travail sort à un moment où la réduction des risques est de plus en plus réduite, elle est menacée. Or il y a nombre de champs que nous avons commencé à explorer du côté “recherche” (ethnographie) ou du côté “action” comme la santé communautaire, l’out-reach, l’auto-support ou même simplement le soutien aux usagers, le counselling  qui en France, se pratique sur le terrain, sans référence théorique et sans formation. C’est Obama qui m’a donné envie de redonner ses lettres de noblesse à l’out-reach : il a été travailleur social à Chicago et dans un de ses discours, il a cité son maître, Saul Alinsky. Or c’est aussi un des miens, c’est lui qui à Chicago a organisé les premières luttes communautaires des squatters noirs du ghetto.

Sur quoi travailles-tu actuellement ?

En ce moment, je travaille sur les drogues et les femmes. C’est là aussi pour boucler une des questions sur lesquelles j’ai travaillé à plusieurs reprises ; et je veux mener mon travail à son terme.
Je travaille aussi avec Vincent Girard, psychiatre à Marseille, sur « comment on s’en sort » de la maladie mentale et de l’HP, recherche qui va être menée avec « les usagers de la santé mentale », avec les fous donc, bien maltraités en ce moment… C’est la démarche de la santé communautaire.

Comment vois-tu l’avenir de la RdR ?

C’est bien sûr la question la plus difficile : je ne suis pas voyante ! Nous sommes en pleine guerre à la drogue, ce qui va à l’encontre la réduction des risques. Ainsi le gouvernement Français s’est opposé à ce que la réduction des risques soit explicitement un des objectifs de la politique internationale des drogues à l’ONU, au contraire de l’Allemagne, qui a adopté la réduction des risques.

Réduire les risques, c’est d’abord une question de bon sens – qui oserait afficher un objectif d’augmentation des risques ? – et pourtant on sait aujourd’hui que la guerre à la drogue fait des morts, des prisonniers et des malades et qu’elle ne limite ni la consommation ni le trafic : au contraire, elle le stimule ! C’est aussi une question de choix de société : est-ce que nous voulons une société plus solidaire, plus démocratique ? La politique de tolérance zéro, avec la multiplication des délits, les comparutions immédiates, les sanctions systématiques, les casiers judiciaires et les peines plancher, c’est une catastrophe ! C’est inapplicable, bien sûr :  les millions de ceux qui consomment des drogues illicites continueront d’échapper en grande part à la répression (ce qui ne veut pas dire que l’usage est dépénalisé ! ) mais ceux qui auront la malchance de tomber sous le coup des lois le paieront cher !

Un jeune de 18 ans qui commence sa vie avec un casier judiciaire est à priori enfermé dans une carrière d’exclusion et/ou de délinquance ! C’est ce qui fait qu’aux États-Unis, les gangs sont si violents ! Plus la répression est violente, plus la violence monte ! Les Américains veulent faire marche arrière, ce qui n’est pas évident, la prison est devenue une industrie chez eux , donc c’est un lobby qui compte ! Je ne sais pas si nous avons moyens d’arrêter cette terrible machine, mais pour ma part, je fais ce que je peux…

Voilà pour ma réponse, mais sur la situation actuelle de la RDR, je renvoie à l’entretien avec Aude Lalande pour Vacarme : il est dans le site !

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