Appel de Marseille pour une autre politique des drogues

Trois ministres et un haut fonctionnaire de l’Etat étaient présents à Marseille le 17 septembre : le tandem de l’intérieur, Christophe Castaner et Laurent Nunez, la ministre de la justice, Nicole Belloubet et Gérald Darmanin le ministre de l’action et des comptes publics également en charge des douanes. 

Un passage éclair à la cité Campagne-Lévêque dans les « quartiers nord », certes stigmatisée par la revente de drogues, mais surtout par l’abandon des pouvoirs publics en termes d’emploi, de salubrité publique et de transports, suivi d’une consternante et stupéfiante annonce : un énième plan de lutte antidrogue. Face aux questions sanitaires et sociales liées à l’usage des drogues, l’accroissement de la répression, à l’efficacité pourtant contestée, est la seule réponse. 

Alors que les budgets sanitaires et médico-sociaux en France sont dramatiquement insuffisants, que les structures de prévention, de réduction des risques et d’addictologie sont sous-dotées face aux besoins, ce gouvernement poursuit des mesures coûteuses dont l’effet sur le phénomène est des plus contestables. 

C’est pourquoi nous lançons, après celui de janvier 2017, ce nouvel « Appel de Marseille » afin de porter haut la colère et consternation des professionnels et des acteurs de la société civile. La répression n’a jamais fonctionné. L’interdit n’a aucun effet bénéfique, ni sur les consommations qui augmentent et sont de plus en plus précoces, ni sur le trafic, qui connaît un accroissement exponentiel en France et implique de plus en plus de mineurs. 

À Marseille la situation est encore plus criante qu’ailleurs : 28 % des jeunes détenus sont incarcérés pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, deux fois plus que la moyenne nationale. On compte déjà neuf décès liés au trafic depuis le début de l’année. Et combien de décès d’usagers de drogues liées à l’insuffisance des réponses sanitaires et sociales ? 

Marseille est pourtant ville pilote depuis 2015 du plan « anti-stups » du gouvernement, qui s’étendra à toute la France dans les prochains mois. 

Le rapport bénéfices/risques de cette politique est trop défavorable pour continuer à s’enfoncer dans l’impasse de la prohibition et de la répression. La répression a un coût important (police, justice, prison…) et représente autant d’investissements qui ne sont pas mis au service du bien-être des populations en matière de santé, de logement, etc. 

Notre ville a de nombreuses autres priorités : les services publics ont déserté de nombreux espaces, le mal-logement explose, deux immeubles se sont effondrés le 5 novembre 2018, causant huit décès et plus de 3 500 délogements d’habitants relogés le plus souvent dans des conditions indignes. 

Les mesures aujourd’hui renforcées ne reposent sur aucun fondement scientifique. Les recommandations internationales appellent à une fin de la « guerre à la drogue ». D’autres politiques responsables de régulation de l’usage de drogues, à l’œuvre à l’étranger, montrent des résultats. Il est donc de plus en plus évident que la poursuite de la prohibition se base uniquement sur des considérations électorales et idéologiques qui engendrent plus d’effets négatifs que ceux contre quoi elles sont censées lutter. 

Marseille et la France ont besoin d’un espoir nouveau.

Nous, professionnels et acteurs de la société civile signataires du présent appel, nous insurgeons face à l’indécence du coût économique et social de la répression.

Nous réclamons : 

– La dépénalisation de l’usage de stupéfiants

– La régulation légale du cannabis

– La mise en place d’une politique ambitieuse de prévention, de réduction des risques et d’éducation à l’usage

– Une réforme globale des politiques des drogues. 


Les signataires :


Amine Benyamina, psychiatre ; Anne Coppel, sociologue ; Anne Querrien, sociologue ; Antoine Bioy, professeur en psychologie ; Antoine Lazarus, professeur de médecine en santé publique ; Arthur Doquet, président de Keep smiling ; Aurélien Beaucamp, président d’Aides ; Béatrice Stambul, psychiatre ; Bénédicte Desforges, ex-lieutenant de police, collectif PCP (Police contre la prohibition) ; Benjamin Jeanroy, cofondateur de ECHO Citoyen ; Bernard Kouchner, ancien ministre ; Bruno Spire, directeur de recherche ; Caroline Casiglia, présidente de l’association le Tipi ; Christian Ben Lakhdar, professeur en économie ; Christophe Lançon, professeur des universités, praticien hospitalier ; Claire Duport, sociologue ; Eric Piolle, maire de Grenoble ; Fabienne Lopez, présidente de Principes actifs ; Fabrice Olivet, directeur de l’association ASUD (Auto support et réduction des risques parmi les usagers de drogues) ; Fabrice Rizzoli, président de Crim’halt ; Farid Ghehioueche, collectif Cannabis sans frontières ; Florent Buffière, cofondateur de l’association NORML France ; François-Michel Lambert, député (EELV, Bouches-du-Rhône) ; Henri Bergeron, directeur de recherche au CNRS ; Hervé Richaud, directeur d’Aides en Provence-Alpes-Côte d’Azur ; Jean Naudin, professeur des universités, praticien hospitalier ; Jean-Luc Bennahmias, député européen (Verts/ALE, 2004-2014) ; Jean-Luc Garcia, cofondateur du collectif Police Contre la Prohibition (PCP) ; Jean-Luc Romero-Michel, fondateur de l’association Elus locaux contre le sida ; Jean-Michel Carré, cinéaste ; Jean-Michel Costes, ancien directeur de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) ; Jihane El Meddeb, président de Nouvelle aube ; Kenzi Riboulet-Zemouli, cofondateur du think tank FAAAT ; Khadidja Chapuis, directrice de Réseaux 13 ; Laurent Appel, réalisateur ; Laurent Gaissad, sociologue ; Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS ; Lionel Sayag, directeur de Proses ; Maela Lebrun, directrice de l’association Bus 31/32 ; Marion Lary, cinéaste ; Maxime Laglasse, président de Techno + ; Michel Kokoreff, sociologue ; Michèle Rubirola, conseillère départementale EELV ; Nicolas Bonnet, président du Réseau des établissements de santé pour la prévention des addictions (RESPAAD) ; Olivier Le Cour Grandmaison, maître de conférences en science politique à l’université d’Evry-Val-d’Essonne ; Patrick Mennucci, conseiller municipal à Marseille, Perlette Petit, directrice de l’association Charonne ; Perrine Roux, chercheuse en santé publique à l’Inserm ; Philippe Lachambre, réalisateur ; Philippe Lagomanzini, directeur de Drogues et société ; Rémy Barges, collaborateur parlementaire ; Renaud Colson, juriste ; Renaud Vercey, réalisateur ; Robin Campillo, cinéaste ; Sara Khoury, présidente d’Act up Sud-Ouest ; Serge Hefez, psychiatre ; Sonny Perseil, sociologue ; Stéphane Karcher, Collectif de recherche et d’information cannabinique (CIRC) ; Thierry Tintoni-Merklen, retraité de la police nationale ; Tom Decorte, professeur de criminologie à l’université de Gand ; Vincent Verroust, président de la Société psychédélique française ; William Lowenstein, médecin addictologue, président de SOS Addictions.


La liste complète des signataires est accessible en cliquant sur ce lien

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