Article SWAPS / Livre / Peut-on civiliser les drogues ?

N°27, septembre-octobre 2002

 

Un livre sur « les drogues » dont on parle dès sa sortie, et dont les échos sont favorables que ce soit dans les centres, les associations, voire dans certaines administrations… Un livre écrit par Anne Coppel, qui n’est pas réputée être spécialiste du « consensus mou »… Autant de bonnes raisons de se pencher en urgence sur « Peut-on civiliser les drogues? »*

On est frappé d’abord, tout au long des lignes, de la justesse de ton dans l’écriture. La description des périodes, des problèmes, des enjeux, réussit à éviter constamment la revendication écorchée, ou l’orgueil déplacé.
Le deuxième point remarquable est la concision et la précision du propos. Les chapitres, les paragraphes, sont abordés, réfléchis et conclus, de façon simple et accessible.

Coexister avec les drogues

Sur le fond, ce travail permet de rassembler des concepts habituellement dispersés, et de nous proposer -ou nous rappeler- des points fondamentaux.

Il existe plusieurs types d’usagers et la pratique d’un médecin ou d’un centre ne peut résumer les situations rencontrées sur un territoire. Les utilisateurs de drogues, qu’ils soient « toxicomanes ou usagers » ont beaucoup apporté aux actions de prévention, à l’accès aux soins des plus marginalisés.

Il faut établir une hiérarchie des risques, globale, mais aussi appliquée à une personne donnée.

Citant des études comparant méthadone, communauté thérapeutique et suivi ambulatoire, Anne Coppel rappelle qu' »en termes de sortie de la toxicomanie, aucune méthode ne fait la preuve de sa supériorité. Cette conclusion reste actuelle ». C’est sur cette ligne que « les alliances » peuvent se faire, déterminer le temps des traitements, mais après avoir mis en place un temps pour la rencontre et l’accompagnement.

Apprendre à coexister avec les drogues est un concept important pour la société. Pour ce qui concerne les médecins, le défi est qu’une personne donnée, souffrante, apprivoise sa vie. De fait, opposante à la guerre à la drogue, mais aussi à la diffusion mafieuse des produits, Anne Coppel s’oppose également à la drogue qui surajoute son exclusion ou ses risques, ou qui masque une histoire intime nœud de ce mode de survie.

Une base pour avancer ensemble

Au fil des pages, l’auteur égrène ses souvenirs, cite avec tendresse des expériences proches, et réfléchit sur les différentes périodes de la « gestion » des drogues et des drogués par la société française. Bien sûr, l’accord ne se fait pas avec toutes ses analyses mais, dans tous les cas, ses arguments sont simples, apaisés, permettant la rencontre. Cette réflexion est particulièrement d’actualité : elle donne une base à ce qui pourrait être une politique de santé publique construite sur du long terme, intégrant évaluations objectives des différentes alternatives et mise en œuvre par des professionnels et des politiques « attentifs » aux réalités des citoyens vivants-jouissants-souffrants.

Sur la forme, ce qui n’est pas dit dans ce livre, qui ne pourra peut-être jamais l’être, est l’influence des relations interpersonnelles, des « lobbies » dans ce milieu des « intervenants-soignants » aux limites floues, quantitativement peu important. Derrière les positions officielles ou les discours des intervenants, se dissimulait la réalité d’un homme ou d’une femme, parfois une « folle » générosité, une réelle honnêteté ou naïveté, parfois lâcheté, ou ambition sans bornes: tout ceci a fabriqué bien des conflits, à tous les sens du terme, « déplacés ».

Si l’on pense que les enjeux « des drogues » nécessitent des combats plus justes que ceux qui déchirent les équipes ou les hommes, ce livre est une base importante pour avancer ensemble.

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