Femmes Publiques

Entretien avec Anne Coppel et Anne Souyris

Cosmopolitiques, « Ce sexe qui nous dépasse »

n°4, juillet 2003

 

 

Des féministes « pro-sexe » ont choisi d’agir avec, et non « à la place» , des hommes et des femmes qui se prostituent pour qu’ils participent au débat qui les concerne et puissent revendiquer un statut susceptible de leur donner une liberté de choix.

 

 

Cosmopolitiques : Pourquoi avez-vous décidé de créer cette nouvelle association «Femmes Publiques» ?

Anne Souyris : Déjà le nom. D’après le sens commun, les femmes publiques sont des prostituées, aliénées et victimes, alors que les hommes publics sont des hommes de pouvoir, des notables estimables et libres. Nous voulons casser ces catégories. Que les femmes publiques puissent être des prostituées et/ou des femmes de pouvoir reconnues en tant que telles, et d’ailleurs pourquoi les choses seraient-elles antinomiques ? Reconnaître aussi qu’un homme public n’est pas qu’un notable public, en bref qu’il existe du lien entre privé et public partout , chez les uns et chez les autres. Je précise que «Femmes Publiques» est une association féministe pro-sexe. Cela ne veut pas dire faire la pro m otion du sexe tout azimut. Cela vient des États-Unis en réaction contre un féminisme qui avait tendance à interpréter toute sexualité comme une atteinte à la dignité des femmes, censurant en tout premier lieu les représentations publiques de la sexualité comme la pornographie et allant même jusqu’à considérer toutes les femmes qui vivaient une sexualité – en particulier hétérosexuelle- comme des «survivantes» . Les féministes pro-sexe, en réaction, ont défendu l’utilisation de la sexualité, y compris dans ses formes publiques, comme une extension du domaine d’expression possible de la sexualité, que les femmes pouvaient s’approprier. Nous considérons simplement que la sexualité est au centre des relations homme/femme, donc des discriminations, et qu’il est impératif d’aller chercher là des manières de lutter contre elles. C’est aussi pour cela qu’il nous a semblé obligatoire de s’allier aux hommes, y compris hétérosexuels, dans cette affaire-là.

Cosmopolitiques : Est-ce que vous avez créé cette association parce que vous ne vous reconnaissiez pas dans le mouvement féministe existant ?

Anne Souyris : Bien au contraire. Même si avant, je n’ai jamais milité dans une association féministe; j’ai toujours été auprès, avec, mais jamais dedans. Mais ces dernières années, nous étions fâchées, féministes «traditionnelles» françaises et moi, sur la question de la prostitution très précisément. Ce n’est pas un hasard. Ni une anecdote. La question soulevée par la prostitution est de taille. On peut porter beaucoup de regards différents sur cette question. Mais une des dimensions peut se résumer ainsi : d’un côté, il y aurait des militantes féministes qui pensent, et qui pensent bien, qui «savent» ce qu’il faut faire pour résoudre les inégalités, de l’autre il y aurait les pauvres filles «victimes» , qui se trompent, qui ne savent pas ce qu’elle disent, même si les unes sont constamment sur le terrain et que les autres n’y ont pas posé le premier pied.

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