La mission contre la drogue perd sa tête

Nommée par Jospin, Nicole Maestracci a été limogée. Mais le gouvernement a du mal à trouver un successeur.

C’est la première victime de la chasse aux sorcières. Le gouvernement a décidé de débarquer Nicole Maestracci, présidente de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt). Matignon lui a signifié son départ la semaine dernière. Il lui a été demandé d’assurer la continuité de l’Etat, le temps de nommer un successeur.

« Matignon peine à trouver un remplaçant. Il lui faut être crédible chez les médecins, les associations et les policiers de stups, et surtout faire consensus entre les ministères de l’Intérieur, de la Justice et de la Santé », explique un proche du dossier.

C’était précisément le profil de Nicole Maestracci dont le principal défaut reste d’avoir été nommée par Lionel Jospin en juin 1998. Au-delà des personnes, c’est le devenir d’une politique nouvelle qui est en jeu. Va-t-on, ou non, revenir sur l’intégration de l’alcool et du tabac dans le dispositif de lutte et de prévention des drogues ? La Mildt va-t-elle conserver son statut interministériel qui, adossé à des organismes scientifiques devenus indépendants, comme l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), a permis de conduire une politique des drogues qui colle aux pratiques ?

Pas de banalisation. Autour de Nicole Maestracci, la société avait pris conscience des dangers des «drogues licites» : une large majorité des Français est désormais convaincue que le tabagisme (61,7 %) et l’abus d’alcool (70,4 %) sont des dangers plus grands pour la société que l’usage de substances illicites. Des chiffres issus de la dernière enquête d’opinion Eropp réalisée tous les trois ans par l’OFDT. Parallèlement, la moitié des Français continuent de juger «dangereuse» l’expérimentation du cannabis. Et l’image de l’ecstasy s’est dégradée. Il n’y a donc pas eu de banalisation de l’image des drogues. Côté consommation, seule celle du cannabis ­ à 18 ans, un jeune sur cinq en fume au moins dix fois par mois ­ s’est étendue depuis dix ans.

Pour une partie de l’actuelle majorité, un discours réaliste fondé sur des données scientifiques reste par trop incitatif. Et c’est le procès implicite fait à la Mildt et à sa présidente : «En admettant la prise de drogue, on se contente de gérer au mieux la consommation et finalement au travers de la communication, celle-ci s’est vue banalisée», dénonce Thierry Mariani, député RPR du Vaucluse dans la revue du Comité contre la drogue. Au gouvernement, on souhaite marteler un discours du «non à la drogue». Et on estime que Nicole Maestracci ne pouvait plus le porter.

Parmi les nombreux candidats à sa succession, aucun ne fait encore l’unanimité. Le ministère de l’Intérieur pousse Bernard Leroy, un magistrat travaillant au programme des Nations unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID) : cet organisme fait la guerre à la drogue sur le modèle américain, au risque de faire la guerre aux drogués.

«Hors de question.» Jean-François Mattei, ministre de la Santé, a de son côté reçu William Lowenstein, qui vient de monter une clinique des addictions à Boulogne-Billancourt. Cet adepte du tout substitution, qui a ses entrées à l’Elysée, prône à la fois la répression du trafic, la prévention de la consommation et la protection des usagers. Et il estime désormais «hors de question» de débattre de la dépénalisation de l’usage du cannabis, reprenant en cela l’interdit posé dans la loi sur la sécurité par Nicolas Sarkozy. «C’est faire l’hypothèse que les jeunes consomment parce que c’est interdit. Or ils consomment parce que ça les intéresse», rappelle pourtant la sociologue Anne Coppel.

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