Prendre le contrôle : sur la voie de politiques efficaces en matière de drogues


Fernando Henrique Cardoso

Le régime international de contrôle des drogues ne fonctionne pas. Dans notre rapport de 2011, nous invitions les dirigeants de la planète à entamer un dialogue ouvert sur une réforme des politiques concernant les drogues.
Nous sommes mus par un sentiment d’urgence. L’inefficacité du système actuel est largement établie, et le changement est non seulement nécessaire, mais aussi réalisable. La session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies de 2016 sur les drogues nous apparaît comme une chance historique de discuter des lacunes du régime de contrôle des drogues, de déterminer des solutions de remplacement applicables et de lier le débat à ceux en cours sur les droits de l’homme et le programme de développement pour l’après-2015.
Fernando Henrique Cardoso
Ancien président du Brésil (1994 – 2002)

 

Résumé

La session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies (SEAGNU) de 2016 sur les drogues offre une occasion inédite de revoir et de réorienter les politiques nationales en la matière, ainsi que l’avenir du régime mondial de contrôle des drogues. Ainsi, quand les diplomates s’assoient pour repenser les politiques nationales et internationales de la drogue, ils devraient se rappeler le mandat des Nations Unies (ONU), qui comprend la sécurité, les droits de l’homme et le développement parmi ses priorités. La santé est l’élément commun aux trois priorités. De plus, le régime mondial de contrôle des drogues de l’ONU a pour objectif ultime « la santé physique et morale de l’humanité ». Malheureusement, les faits indiquent non seulement l’échec de ce régime à atteindre ses propres objectifs, mais aussi les horribles conséquences non intentionnelles de l’application de lois et de politiques punitives et prohibitionnistes.

Un nouveau régime de contrôle des drogues, protégeant mieux la santé et la sécurité des personnes et des collectivités à l’échelle mondiale que le régime actuel, est requis. Les mesures cruelles dérivant d’idéologies punitives doivent être remplacées par des politiques humaines et efficaces basées sur les preuves scientifiques, les principes de santé publique et les droits de l’homme. Il s’agit là de la seule manière de réduire à la fois la mortalité, la morbidité et les souffrances liées à la drogue et la violence, ainsi que la criminalité, la corruption et les profits illicites favorisés par les politiques prohibitionnistes inopérantes. Le coût public des politiques que nous défendons, il faut le souligner, est faible comparé aux coûts directs et indirects du régime actuel.

La Commission globale de politique en matière de drogues (ci-après « la Commission ») propose cinq voies d’amélioration du régime des politiques de la drogue. En plus de placer la santé et la sécurité au centre de leurs préoccupations, les gouvernements doivent garantir un accès aux médicaments essentiels et au soulagement de la douleur. Les membres de la Commission en appellent à la fin de la criminalisation et de l’incarcération des usagers de drogue, couplée à la prévention et à des stratégies de traitement ciblant les usagers dépendants. Afin de réduire les dommages liés à la drogue, ainsi que le pouvoir et les moyens financiers du crime organisé, elle recommande que les gouvernements réglementent les marchés de la drogue et adaptent leurs mesures répressives pour combattre les groupes criminels les plus violents et les plus perturbateurs, plutôt que de punir les petits trafiquants. Les propositions de la Commission sont complémentaires et complètes. Elles invitent les gouvernements à repenser le problème, à faire ce qui peut et devrait être fait dans l’immédiat et à ne pas tourner le dos au pouvoir transformateur de la réglementation.

Les obstacles à la réforme des politiques sont aussi divers qu’intimidants. Les puissantes administrations nationales et internationales de contrôle des drogues défendent fermement le statu quo, remettant rarement en question leurs positions pour vérifier que leurs efforts et leurs tactiques d’application des lois antidrogue ne font pas plus de mal que de bien. La tendance au sensationnalisme est présente à chaque « alerte à la drogue » dans les médias, et la classe politique utilise régulièrement la rhétorique séduisante de la « tolérance zéro » et de sociétés « sans drogues », au lieu de suivre une démarche informée par des faits probants. L’association des drogues illicites aux minorités ethniques et raciales connaît une certaine popularité et suscite des peurs qui inspirent une ligne législative dure. Enfin, les tenants d’une réforme éclairée risquent d’être taxés de « laxistes envers la criminalité », voire de « partisans de la drogue ».

La bonne nouvelle est que le changement est dans l’air. La Commission se félicite qu’un nombre croissant de recommandations du présent rapport soient déjà à l’étude, en cours d’application ou mises en œuvre dans le monde. Nous commençons un voyage, et les gouvernements peuvent tirer profit de l’expérience qui s’accumule là où les réformes progressent. Heureusement, les objectifs rhétoriques et irréalistes périmés de la SEAGNU sur les drogues de 1998 risquent peu d’être maintenus en 2016. L’appui à des interprétations souples et à une révision des conventions internationales de contrôle des drogues grandit, tenant compte des droits de l’homme et des principes de réduction des risques. Tout cela est de bon augure pour les réformes que nous proposons dans ce qui suit.

Les recommandations peuvent être être résumées comme suit :


Assurer avant tout la santé et la sécurité des collectivités requiert une réorientation fondamentale des priorités et des ressources en matière de politiques, qui permettrait d’abandonner les mesures punitives inefficaces au profit d’interventions sanitaires et sociales éprouvées. Lire plus

Cesser de criminaliser l’usage et la possession de drogues – et cesser de « traiter » de force des personnes dont la seule infraction est l’usage ou la possession de drogues. Lire plus

Viser en priorité une réduction du pouvoir des organisations criminelles et de la violence et l’insécurité engendrées par la concurrence entre elles ainsi qu’avec l’État. Lire plus

Profiter de l’occasion offerte par la SEAGNU de 2016, qui approche à grands pas, pour réformer le régime mondial des politiques en matière de drogues. Lire plus

Assurer un accès équitable aux médicaments essentiels, en particulier les analgésiques à base d’opiacés. Lire plus

Appliquer d’autres options que l’incarcération pour les acteurs non violents du bas de l’échelle du trafic de drogue, tels les fermiers et les passeurs, entre autres personnes engagées dans la production, le transport et la vente de substances illégales. Lire plus

Permettre et appuyer les essais dans des marchés légalement réglementés de drogues actuellement interdites, en commençant, sans s’y limiter, par le cannabis, la feuille de coca et certaines nouvelles substances psychoactives. Lire plus

 

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