Annexe / Méthadone, résultats

1. Résultats en cours de traitement : la confrontation des résultats des évaluations a été effectuée aux États-Unis par le NIDA, organisme officiel de la recherche aux États-Unis. Les résultats retenus sont congruents aux différentes études, les écarts devant s’interpréter au regard des contextes et des pratiques. À six mois de traitement, la réduction de la consommation d’héroïne est de 71% en moyenne. La réduction est fonction de la posologie : au-dessus de 71 mg, il n’y a pas trace de consommation d’héroïne à six mois, à 40 mg et moins, 64% continuent d’en consommer. La durée de traitement est un autre facteur déterminant de la réduction de la consommation. Jusqu’à un an et demi de traitement, 64 % des patients peuvent consommer de l’héroïne occasionnellement ou régulièrement ; le pourcentage baisse à 23% entre un an et demi et quatre ans ; 8 °/o des patients consomment de l’héroïne après quatre ans et demi de traitement [Bail et Ross, 1991]. La moitié des patients consomment de l’alcool par période lorsqu’ils arrêtent de prendre quotidiennement de l’héroïne, mais l’étude de DARP évalue à 31% la consommation problématique d’alcool à un an (dont 21 % posait déjà problème avant le traitement). Les abus d’alcool baissent avec le temps : elle est de 22% à douze années de traitement [DARP, 1990]. La réduction des autres drogues est également observée avec le temps, à l’exception de la marijuana. Kreek [1991] observe que, en 1990, de 70 % à 90 % des patients consommaient de la cocaïne ; 22% à 46% ont continué à en consommer en cours de traitement. L’amélioration de la santé exige une comparaison avant-après. Ces études n’ont pas été menées jusqu’en 1997, où la baisse de la mortalité a été évaluée à 75 %. Sur la délinquance, en revanche, la comparaison avant/après a été menée : la baisse est de 70,8 % à quatre mois de traitement ; elle est plus lente ensuite entre un et trois ans. 14,5 % ont toujours des activités délinquantes après quatre ans et demi [Bail et Ross, 1991]. Dans une étude sur 510 patients menée par Simpson, le nombre de jours consacrés à des activités délinquantes était en moyenne de 10,8 jours par mois avant traitement et de 1,4 jour après trois mois. L’accès à l’emploi, variable selon les études, est fonction du contexte. Les bons résultats étant corrélés avec la durée de traitement, le taux de rétention est retenu comme indicateur de résultat. Ainsi, le taux de rétention à un an des trois cohortes DARP a été de 60 % pour les patients admis entre 1969 et 1971, 51 % de 1971 à 1972 et 40 % de 1972 à 1973 [Sells et Simpson, 1976], Pour Bail et Ross, 38 % des patients restent en traitement après un an, dont 63 % restent en traitement après deux ans. La perte est importante immédiatement à l’entrée en traitement dans les études américaines ; elle est variable selon les programmes. Le taux de rétention est fonction de l’évaluation que fait le patient de la qualité du service, de son accessibilité et des posologies [Condelli, 1993]. Le taux de rétention est ainsi un excellent critère d’évaluation de la qualité des programmes. L’usage à long terme de la méthadone est médicalement sans danger et bien toléré [Kreek, 1979 ; Lowinson et al, 1992].

2. Condition de l’efficacité : les résultats sont d’abord corrélés avec une posologie adaptée : 60 mg est la dose minimale pour obtenir une baisse significative de la consommation d’héroïne. Au-delà de la posologie, les résultats sont fonction des pratiques cliniques, qui peuvent être contre-productives ; la simple distribution de médicament avec une posologie adaptée a obtenu à New York à trois mois une réduction de 70 % de la consommation d’héroïne alors qu’elle est de 46 % dans les mauvais programmes et peut s’élever jusqu’à 85 % dans les meilleurs. Les pratiques cliniques étudiées comprennent l’adaptation individuelle du traitement et de ses modalités (dont les take home, ou possibilité d’emporter la méthadone chez soi) et enfin la prise en compte des besoins psychosociaux. En conclusion, les résultats sont d’autant meilleurs que les équipes ont de bonnes relations avec les patients, sont stables, encadrées par une direction expérimentée et bénéficient de formation. Les bonnes pratiques déterminent les résultats plus que le profil des patients (taux de rétention, baisse de la consommation et de l’injection). Les études portant exclusivement sur le profil des patients mettent toutefois en évidence l’importance du profil (troubles psychiatriques associés, exclusion sociale, polytoxicomanie) dans les résultats.

3. Sortie du traitement : pour DARP comme pour TOPS, il y a une augmentation de l’abstinence après traitement. Les rechutes toutefois sont fréquentes, comparables aux résultats obtenus dans les communautés thérapeutiques et les suivis ambulatoires à long terme. En 1990, le programme DARP observe 27 °/o de rechute trois mois après la sortie de traitement et 44 % après trois ans. Sur un suivi de douze ans, les trois quarts rechutent une fois ou plus Joe et al, 1990]. En 1983, à partir d’une synthèse des études, moins de 50 % des patients restent abstinents pendant trois ans [Hargreaves, 1983]. Dans l’étude de Bail et Ross, la reprise de la consommation d’héroïne augmente progressivement de 29 % à la sortie immédiate à 82 % à un an. Le taux maximal de renoncement aux opiacés serait de 30 °/o si l’insertion socioprofessionnelle est assurée. Pour le Dr Déglon de Genève, l’arrêt de la méthadone pour les héroïnomanes chroniques n’est pas indiquée : « L’acharnement des toxicothérapeutes à sevrer rapidement leurs patients en a tué plus d’un : rechute, alcoolisme, sida, suicides, accident. » Ce point de vue repose aussi bien sur une méta-analyse des études que sur l’expérience clinique. L’hypothèse de particularités génétiques [voir Marie-Jeanne Kreek] pourrait rendre compte de ce constat clinique, qu’elles soient de naissance ou secondaires à l’usage d’héroïne. Peut-être aussi les programmes méthadone, compte tenu des contraintes, ont-ils sélectionné des héroïnomanes particulièrement dépendants. S’il y a, sans doute, des héroïnomanes qui ont pu se sevrer avec des doses dégressives dans des cures à court ou moyen terme, celles-ci sont déconseillées, elles sont même interdites par le protocole français. La répétition des échecs renforçant la dépendance, le sevrage à court ou moyen terme ne doit pas être tenté lorsque la dépendance est ancienne et associée à d’autres troubles, par exemple la dépression.

Voir NIDA, Méthadone maintenance treatment mearch in the United States, Manualfor the International Forum, April 21, 1994.

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