«Posant ses pas dans ceux du ministre de l’Intérieur […]. Simone Veil a dit non à la dépénalisation », résume Le Figaro
(30 avril 1993). Se démarquant de la cacophonie du gouvernement précédent, le nouveau présente un front uni tout en prenant acte de l’ouverture du débat. Charles Pasqua et Simone Veil s’engagent chacun de leur côté à le mener loyalement. Apparemment, Simone Veil considère que le débat est celui de la loi. Considère-t-elle qu’il faut changer la loi de 1970 pour adopter la méthadone, substance classée comme stupéfiant ? Ce serait bien inquiétant. Ni l’opinion publique ni les politiques ne voient la nécessité de changer la loi, alors que les mesures de santé doivent être prises en urgence.
Le plan gouvernemental du 23 septembre 1993 : les urgences en annexe
Dès que Simone Veil prend ses fonctions, médecins et associations sollicitent des rendez-vous. Ils font état du taux de contamination inquiétant des usagers de drogues, du retard français. Simone Veil écoute attentivement. Elle reçoit MDM en juillet 1993. L’association avait déposé un projet méthadone, refusé par l’administration. En 1973, Simone Veil avait été à l’origine de la première expérimentation française de traitement par la méthadone. Vingt ans après, le nombre de centres méthadone était passé de deux à trois, soit cinquante-deux places pour toute la France. Bernard Kouchner n’avait pas pu mettre en œuvre son programme. Son budget avait été refusé. Il avait tenté néanmoins d’apporter un soutien aux promoteurs des nouveaux projets, à Paris et à Bordeaux, mais il ne parvient pas à débloquer les dossiers : ces nouveaux acteurs n’avaient pas l’air de plaire à l’administration de la santé et l’administration s’est contentée de traîner des pieds. «Les ministres passent, l’administration reste», déplore-t-il amèrement.
Simone Veil ne peut que constater l’immobilisme et, plus généralement, la faiblesse du soin aux toxicomanes. Sur ce diagnostic-là, tous les experts s’accordent et d’abord les spécialistes, qui dénoncent les misérables sept cents places de postcure. La lutte contre la toxicomanie et la menace du sida imposent également la consolidation de l’offre de soins. Le plan gouvernemental de lutte contre la drogue et la toxicomanie, rendu public le 23 septembre 1993, entend démontrer que le nouveau gouvernement ne se paie pas de mots. La lutte contre la drogue, d’une part, contre la toxicomanie, d’autre part, est également prise au sérieux. Avec un budget de 85 millions de francs, Simone Veil se met immédiatement au travail. En matière de santé, les mesures d’urgence sont :
– le doublement des lits de postcure en trois ans ;
– la création de trois à cinq lits réservés aux cures de sevrage des
toxicomanes dans tous les hôpitaux ;
– la création de réseaux de médecins généralistes ville-hôpital-
toxicomanie ;
– l’accès aux soins des toxicomanes incarcérés.
C’est Edouard Balladur, Premier ministre, qui présente le plan, encadré par Simone Veil d’un côté et Charles Pasqua de l’autre, attestant la cohérence de la politique gouvernementale. Les journalistes écoutent attentivement. Simone Veil va-t-elle suivre le chemin ouvert par Bernard Kouchner ou bien l’immobilisme va-t-il encore une fois l’emporter ?
« Et le sida ? interroge un journaliste.
– Quel est le rapport ?» demande le Premier ministre.